Les « Sites et Paysages » ont gagné la bataille de la qualité Autres spécialités, Thématiques

Une

Confrontés au difficile problème d’enfermer un panorama dans le carcan des quelques centimètres carrés d’un timbre, les artistes de tous les pays ont relevé le défi. Maîtrisant, souvent avec bonheur, techniques d’impression, formats et conception graphique, ils affirment aujourd’hui :

Ils sont fous ces créateurs de timbres ! Au lieu de se contenter du portrait, de face ou de profil, d’un quelconque souverain, voire d’une célébrité d’hier ou d’aujourd’hui, d’un écusson, d’une cafetière (rien à voir avec les portraits ci-dessus mentionnés !), d’un bijou, d’un papillon, d’un singe, tous sujets se laissant assez facilement enfermer dans les étroites limites d’un timbre-poste, ne voilà-t-il pas qu’ils se mettent parfois en tête d’y faire entrer l’immensité des grands espaces, les monts, les vallées, les panoramas lesquels se satisfont – parfois – des quelques centimètres carrés à eux chichement offerts pour nous restituer toute leur splendeur !…

…au point de nous donner envie, oubliant un instant nos albums, d’aller vérifier sur place si la réalité est à la mesure de l’image que le Timbre nous a offerte…

Au moment où nos vacances sont à portée de quelques feuillets de calendrier, offrons-nous donc la fantaisie d’un tour d’Europe des Sites et Paysages par timbres interposés – et même de quelques incursions aux pays de Rêve dont nous séparent quelques milliers de kilomètres – pour voir un peu comment, ici et là, les artistes créateurs ont su enfermer les hauts lieux touristiques entre les quatre côtés d’un timbre, comme les navigateurs retraités d’hier faisaient entrer les trois­mâts de leur jeunesse dans les bouteilles qu’ils avaient pris la sage précaution de vider au préalable de leur contenu. Mais que le parfum des vacances tant attendues ne nous incite pas à une mansuétude excessive et ne nous prive pas de critiquer ce qui est critiquable mais aussi d’encenser ce qui le mérite… même si cela risque une fois encore de réveiller la querelle des techniques d’impression et d’opposer les tenants de la taille-douce aux fanatiques de l’offset et de l’héliogravure avec, pour corollaire, l’affrontement entre partisans de la photo et nostalgiques du dessin…

 

TAILLE-DOUCE
Pour elle sonne le glas

Taille-DouceTrois pays d’Europe ont choisi d’assaisonner à la taille-douce leurs Sites. Si la France s’en sort à merveille en restant dans un certain classicisme que le format parvient à rendre original tandis que l’Espagne se cantonne dans une austère rigueur qui ne séduira guère que les fervents de la loupe, admirateurs inconditionnels de l’habileté de certains des artistes mais peu soucieux de la valeur artistique du résultat, que dire de l’Autriche, pour tant réputée pour les prouesses techniques de ses graveurs ?

Elle nous sert un plat, certes assez appétissant, mais où la taille-douce n’intervient que pour rehausser un fond tiré en offset. En jouant ainsi sur les deux tableaux, parvient-elle à convaincre de l’efficacité de ce mélange mi-chair, mi-poisson ou, au contraire, avoue-t-elle l’incapacité de la gravure à s’adapter à ce type de sujet ?

Et, même si la France a su obtenir un bon résultat, à partir il est vrai d’un site où la pierre domine, on peut se demander si ce procédé sied à des Paysages aux couleurs chatoyantes…

OFFSET
Le vent en poupe

OffsetFaut-il lui préférer l’offset qui, sans bénéficier de l’aura qui escorte la gravure, a du moins une qualité, lorsqu’il est bien maîtrisé : celle de reproduire fidèlement le dessin de l’artiste ? Celui-ci est-il bon?… et le timbre sera réussi, est-il faiblochard ? et il ne doit compter sur l’habileté d’aucun autre intervenant pour accoucher d’un timbre de qualité acceptable.

C’est pourtant lui, l’offset, qui gagne du terrain. Des déserts de Namibie aux forêts de Moldavie ou de Finlande, des villages typiques des îles Feroë aux palmiers de Gibraltar et aux paysages estompés du Canada. Avec un beau loupé en Argentine où la qualité de la mise en page est gâchée par un flou qui n’a rien d’artistique.

HELIOGRAVURE
Sur la bonne voie

HeliogravureS’il faut souvent être un technicien averti pour déceler la différence entre l’offset et l’héliogravure, reconnaissons que celle-ci s’avère particulièrement bien adaptée aux paysages, qu’ils soient traités à partir de maquettes ressemblant à des tableaux, comme en Italie, ou de dessins finement exécutés telle cette perspective d’Anvers.

LE FORMAT
Pour tourner la difficulté

LeFormatTous les adeptes de la photo vous le diront : pour les paysages, rien ne remplacera un objectif « grand angle » qui permet d’embrasser d’un seul regard un horizon panoramique. Aussi, rien d’étonnant si, très tôt et en France prioritairement, le timbre a pris ses aises en doublant sa longueur sans pour autant faire varier sa hauteur. Le résultat, vous le connaissez : Chinon, bien sûr, mais aussi, en remontant le temps, La Brenne, Vaux-le­Vicomte, Les Côtes de Meuse et la Bastide de Monpazier…

D’autres, la mode des timbres se-tenant aidant, sont allés plus loin en étirant leurs paysages sur quatre timbres, comme l’Irlande, et même sur dix telle la Nouvelle-Zélande. Et ce « truc », cette manière de tourner la difficulté, a donné de bons résultats… même lorsqu’on l’a assorti d’une bonne dose de naïveté comme à Saint-Pierre et Miquelon.

TIMBRES-PHOTOS
L’évidence même

Timbres-photosAilleurs, le raisonnement a été plus direct. Puisque la plupart des souvenirs de vacances touristiques se présentent sous forme de photos et surtout de cartes postales, pourquoi ne pas se borner à reproduire celles-ci sur timbres ? C’est ce que l’on a fait du côté des îles polynésiennes mais aussi durant les brefs mais éclatants étés des contrées scandinaves ou nordiques et même jusqu’en Arménie où, le format aidant, deux timbres nous inciteraient presque à y aller passer nos prochaines vacances !

LE TRAITÉ
Progrès sur toute la ligne

TraiteLes recherches ne se sont pas arrêtées là. Le traité a évolué. En Allemagne, le mélange de la rigueur du trait, de l’éclat des couleurs et d’une simplification étudiée, en Grande-Bretagne, un étonnant travail de taille-douce avec plusieurs reports de couleurs (en réalité plus fait pour décourager les faussaires que par souci esthétique), en Suisse enfin, où l’ordinateur s’est substitué au maquettiste pour apporter une note contemporaine et même avant-gardiste à l’art du paysage, sont autant de tentatives couronnées de succès qui contribuent à faire définitivement entrer par la grande porte dans l’Art philatélique un sujet qui fut si longtemps considéré comme mineur car trop difficile à reproduire sur l’exiguïté d’un timbre.

LE TALENT
Irremplaçable

TalentMais tous ces artifices de format, de traité ou de technique ne serviraient de rien si, parfois, la conjugaison d’un hasard de la Nature, du talent d’un artiste au service de la mise en page et de l’intervention réussie de la main de l’Homme ne venaient soudain se donner rendez-vous sur quelques timbres d’une série pour les transformer en autant de chefs-d’œuvre comme ce fut le cas dès 1992 pour les « usage courant » de Grèce dont le petit format n’a en rien affecté la beauté…

Paru dans Timbroscopie n° 115 – Juillet/Août 1994

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