L’âge d’or des grands magasins parisiens Autres spécialités, Thématiques

Une

OuvLa Poste des années 90 sort de ses bureaux et part à la rencontre de sa clientèle :
depuis quelques mois, le Printemps a ses propres guichets, avec oblitération spécifique.
Une initiative qui renoue avec la tradition des recettes auxiliaires installées
avant la Seconde Guerre mondiale dans quelques grands magasins parisiens : témoin cette flamme du Printemps,
l’une des premières flammes publicitaires illustrées mises en service en France dans les années 20.

Un raccourci passionnant de la philatélie d’avant-guerre : voilà ce qu’a découvert un marcophile toujours en quête de curiosités, sur les anciennes correspondances des Grands magasins parisiens. Gérard Dreyfuss a d’abord chassé sur les terres des cartophiles, en orientant ses recherches vers les cartes postales éditées par ces magasins dans les années 20. Il a découvert, côté correspondance, un panorama « nature » et diversifié des timbres et marques postales semi-modernes. Dans le lot : de bonnes surprises qui l’ont récompensé de ses longues fouilles. Morceaux choisis.

Grands magasins du Louvre – Un « préo » sur mesure

Ouv2Ils n’existent plus, depuis 1974 : les arcades de la rue de Rivoli abritent à leur place d’innombrables boutiques individuelles. Mais cet immense établissement qui, d’un côté, faisait face au Louvre et regardait de l’autre vers le Palais royal était, depuis sa fondation sous le Second Empire, l’un des plus prestigieux grands magasins parisiens.

01Côté collection, l’histoire postale des grands magasins du Louvre se confond globalement avec celle de la Recette principale, toute proche, de la rue du Louvre. Ainsi retrouve-t-on, sur les premières cartes postales éditées par le magasin – et représentant des vues de Paris – les empreintes des machines à oblitérer qui font leurs premières apparitions au début du siècle dans la Poste principale voisine (ici, la flamme « Jeux Olympiques Paris 1924″ de la machine Flier, (1).

02Machines bientôt relayées par celles du grand magasin lui-même, qui appose, à la fin des années 1920, ses propres empreintes mécaniques, muettes d’abord, assorties de flammes publicitaires ensuite (2).

03Mais les Grands magasins du Louvre ont surtout attaché leur nom à deux pièces majeures. Et rares aujourd’hui. Surtout la première : le carnet publicitaire (3). Il existe en deux versions : dix et vingt timbres (toujours des 25 c Semeuse camée grasse, avec publicité en couverture et sur les marges). Dans les deux versions, ce sont des tirages très réduits (trois exemplaires pour le carnet de dix!) qui remontent à l’époque des premières publicités sur carnets, dans les années 1920, avant que l’Administration ne réglemente cette nouvelle pratique et n’interdise, en particulier, les émissions privées en quantités limitées. En clair : nous avons affaire ici à un superbe précurseur.

04L’autre pièce de haut rang, moins rare cependant : le « préo » 55 c sur 60 c Semeuse lignée lilas, spécialement surchargé, en août 1926, pour les Grands magasins du Louvre (4). Avec le 7 c et demi Blanc, le 90 c vert Cérès de Mazelin et le 2,50 F brun Marianne de Gandon, c’est l’un des quatre timbres de France dont les valeurs n’existent qu’avec surcharge de préoblitération. Celui-ci, en raison de son usage particulier, est de loin le plus rare. Emis le 9 août 1926, il était destiné à l’expédition du catalogue du magasin, et correspondait précisément au quatrième échelon de poids du tarif des imprimés. Mais le tarif en question changea le lendemain du jour où furent livrés les timbres : « le Louvre » les utilisa donc avec un complément d’affranchissement à 10 c, situation dans laquelle on les trouve toujours, et toujours sur ce type d’étiquette bleue.

05Une pièce amusante, enfin, pour clore cette mini-collection : une enveloppe à en-tête au dos de laquelle les Grands magasins du Louvre engageaient « leur clientèle à se mettre en garde contre les établissements qui se servent de leur titre dans le but d’établir une confusion soit en France soit à l’étranger » (5). Les faussaires ne sévissent pas seulement en philatélie…

 Le Bon Marché – Cherchez les dents élimées de la Semeuse

« Le Bon Marché – Maison Boucicaut », lit-on sur ces cartes postales du début du siècle : hommage au génial inventeur de la formule moderne des grands magasins. En 1852, Aristide Boucicaut reprenait une boutique de mercerie à l’enseigne du Bon Marché et révolutionnait les pratiques commerciales de l’époque en instaurant l’entrée libre, en exposant les marchandises sur des rayons accessibles au public (qui pouvait les toucher) et en généralisant les étiquettes de prix.

La formule connut un succès foudroyant : sous le Second Empire, le Bon Marché était le plus grand des grands magasins parisiens.

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La collection, maintenant. Les cartophiles recherchent de belles vues de Paris ou des différents services : expéditions (6), salon de thé-restaurant, etc. Sur celles ayant circulé, on trouve au dos les oblitérations du bureau de la rue Dupin (Paris 80), avec, en particulier, les marques de machine Klein-Garcia (7), simples cercles, cinq traits horizontaux, empreinte de machine totalement usée et de machine Krag (8), (avec publicité pour la Poste aérienne). Quand aux timbres, il faut savoir que le Bon Marché a utilisé périodiquement des roulettes, aux premiers temps de celles-ci. Ce qui donne quelques pièces de haute collection, tel ce rare 15 c Semeuse lignée vert­gris sur carte pré-imprimée (9), (timbre au type VI) et ce 15 c Pasteur vert (8). On sait combien l’identification des timbres de roulettes à l’unité (en dehors des bandes) est délicate, car la présence de dents verticales massicotées est un indice mais pas une preuve (on peut souvent redécouper les marges au cutter et obtenir un effet similaire). Pour la Semeuse, pas de problème : le timbre est à un type spécifique. Dans le cas du Pasteur, la date d’utilisation, l’état oblitéré et la provenance déjà identifiée sont autant de signes supplémentaires d’authenticité.

09Samaritaine – Roulette et préos

10-12L’architecture, signée Frantz Jourdain, de ce grand magasin qui borde la Seine marqua tellement son temps qu’on parlait au tout début du siècle du « style Samar ». Ce somptueux édifice, tout de verre, de céramique vernissée et d’audace Art nouveau, fondé par Ernest Cognacq et son épouse Marie­Louise Jay (la célèbre rue Cognacq­Jay, c’est eux), a donné naissance à une mini-collection qui ne manque pas non plus de charme : toutes les cartes postales des années 1920 rencontrées par Gérard Dreyfuss portent des timbres de roulettes : 20 c Semeuse lilas-brun (10), 40 c Semeuse violet (11) et 40 c Semeuse outremer (12). Comme le courrier des Grands magasins du Louvre, celui-ci était traité par la Poste principale de la rue du Louvre.

13-14Autres pièces peu banales : ces deux « préos », 20 c Semeuse lilas-rose et 45 c Paix bistre (13 et 14), sur de superbes documents publicitaires. Le support (des imprimés avec étiquettes préétablies au nom du département) ne laisse aucun doute sur leur authenticité.

 

Galeries Lafayette – Des perforés

1516Caractéristique philatélique la plus notoire de ce grand magasin à l’immense coupole construit dans les années 1900 : l’utilisation de timbres perforés (GL). Deux Semeuses, ici (15 et 16), utilisées à quelques mois d’intervalle, sur cartes postales du magasin. A noter qu’en 1924, alors que les autres grands magasins parisiens utilisaient des cartes-formulaires pré­imprimées, les Galeries Lafayette répondaient encore au coup par coup à leur clients.

17Le troisième document, un imprimé (17), porte un 3c Blanc, perforé lui aussi. Expédié pendant la Première Guerre mondiale, à une époque où l’on manquait de papier, il a été réutilisé comme papier à lettre par son destinataire…

Paru dans Timbroscopie n° 69 – Mai 1990

 

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