Le Mandchoukouo : un pays aux timbres sans nom Asie, Chine, Non classé, Outre-mer

Une

Etrange destin que celui de Pou-Yi, dernier empereur de Chine, monté sur le trône à trois ans, détrôné au bout de quatre ans, en 1912, croyant avoir retrouvé le pouvoir vingt ans plus tard lorsque les Japonais, le nomment président de la République puis empereur du Mandchoukouo, un Etat créé de toutes pièces, puis déchu à nouveau, emprisonné, soumis à d’incessants lavages de cerveau avant de finir jardinier et de s’éteindre, en 1967, dans la Chine de ses ancêtres, juste avant la Révolution culturelle.

Lorsque le Japon cherche un fantoche pour justifier un semblant de légitimité à l’Etat qu’il vient de créer à partir de trois provinces du nord de la Mandchourie qu’il vient de conquérir, c’est vers l’empereur, détrôné depuis longtemps, qu’il tourne ses regards. En Extrême-Orient, sauvegarder les apparences a toujours été la règle. Pou-Yi fera donc l’affaire. Pour faire plus sérieux, bien vite on transforme la République en Empire et, du coup, Pou-Yi change de nom : le voici rebaptisé Kang-Tê ! Sa tête apparaîtra bientôt sur les timbres de ce Mandchoukouo dont les grandes nations refusent toujours de reconnaître l’existence.

Pourtant – toujours par souci de sauver les apparences – les Japonais avaient préféré à l’annexion pure et simple, un simulacre de prétexte. L’incident de Moukden, en septembre 1931, le leur avait fourni. On avait , paraît-il, saboté leur ligne de chemin de fer !

D’où la concrétisation de leurs visées expansionnistes sur cette Chine dont l’espace vital était, pour les fascistes jaunes, une tentation permanente.

Un Etat que la Chine ignore

Jusqu’en 1932, la Poste s’est organisée avec les moyens du bord : timbres et cachets chinois. Mais, au mois d’avril, le ministre des Transports du Mandchoukouo prend la Poste en charge et annonce que les employés chinois ne pourront rester en place au-delà du 1er août, date à laquelle ils seront remplacés par du personnel local. Cette mise en demeure déclenche une grève qui atteindra son paroxysme en juillet 1932 : il n’y a alors plus aucune activité postale.

Mais c’est sans compter sur les Japonais qui font réouvrir les bureaux le 26 juillet et, simultanément, mettent en vente les premiers timbres du pays: une série courante de 18 valeurs. Mars 1933 verra les commémoratifs du premier anniversaire de la République. Ils seront suivis, un an plus tard, des premiers timbres de l’empire.

Mais cela ne résout pas la petite guerre postale que se livrent le Mandchoukouo et la Chine. Cette dernière ne reconnaît pas le nouvel Etat et encore moins ses timbres. Résultat : les lettres arrivant en Chine (le gros du courrier) sont lourdement taxées et les timbres et cachets dont elles sont revêtues, sont maculés de telle sorte qu’on ne lise plus le nom « Mandchoukouo ».

C’est à la fin de 1934 qu’intervient un accord entre les deux parties débouchant sur la fabrication des fameux timbres « sans nom ».

Ces derniers seront admis – malgré leur emploi « local » – à l’affranchissement de courrier à destination d’autres pays. On peut également remarquer que l’UPU n’a jamais reconnu ces timbres, ni ceux revêtus du nom complet du pays mais que chaque pays a laissé circuler les lettres provenant du Mandchoukouo sans les taxer !

C’est l’occupation soviétique, en juillet 1945, qui mettra fin à une série de quelque 160 timbres produits par le Mandchoukouo.

En mai 1946, l’éphémère empire est restitué à la Chine et, depuis, n’utilise que des timbres chinois.

Mandchoukouo : toute la sagesse et les extrêmes de l’Orient

01-02Si les premières séries sont bien cotées aujourd’hui, c’est que les collectionneurs ne les ont pas remarquées. Leurs tirages sont importants : entre 450000 et 50 millions pour la toute première série (1932), illustrée de l’effigie du président Pou-Yi (1) et de la pagode blanche de Liaoyang (2).

03Beaucoup plus intéressant : le 10 fen du premier anniversaire de la République, tiré à 70000 exemplaires (3).

04-06Renaissant de ses cendres, le phénix (4) sujet choisi pour la première émission de l’Empire. En 1934, réimpression de la série d’usage courant (5). A noter : six symboles dans la légende supérieure au lieu de cinq sur la série précédente. On a rajouté le mot « impériale » dans ce qui se lisait « Administration postale du Mandchoukouo ». Sur ce timbre marquant le voyage de l’empereur au Japon (6) on remarque « l’orchidée dorée de l’amitié » à cinq branches, le nouveau symbole du Mandchoukouo.

07-10Non reconnu par I’UPU, le Mandchoukouo se voit contraint de confirmer par les timbres (7 et 8) ses accords postaux bilatéraux avec la Chine et le Japon. Quant à la Poste aérienne, elle fonctionne tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ce timbre à 39 fen (9) est au tarif de la lettre par avion pour le Japon. En 1932, la ville de Hsin-king « la ville nouvelle », nouveau nom de Tchang­tchoun, compte 130 000 habitants sur 12 km2. Cinq ans plus tard, ce timbre (10) annonce un million d’habitants sur 115 km2 !

11-13Le régime a du bon ! C’est cette même année 1937,que le Mandchoukouo récupère la tutelle du chemin de fer, de la police, de la poste et de l’enseignement : les timbres (11, 12,13) soulignent cette généreuse donation des Japonais !

14-16Ce symbole chinois en rouge (14) déplacé vers la gauche multiplie par deux la cote de ce timbre de Nouvel An. « Payez vos impôts » c’est ce que déclare ce percepteur (15). L’autre timbre (16) où l’on remarque pour la première fois des inscriptions en mongol (l’argent n’a pas d’odeur!) explique que « Le fondement de l’Etat, ce sont les impôts, etc. »

17-19Lorsque l’on prépare la guerre, on recrute. Voici un des timbres pour cette propagande (17). « En hommage au retour de Singapour dans notre Asie orientale » telle est la signification de cette surcharge bleue (18). Cette autre surcharge (19) marque le premier anniversaire de la guerre. Elle se lit « Le bien-être de l’Asie commence ce jour (le 8 décembre 1941 : allusion à l’attaque de Pearl Harbour) de la VIIIe année du règne de Kang-Tê » (Pou-Yi).

20-23En Mandchoukouo, comme en Allemagne, il existe une S.T.O.(Service du Travail Obligatoire), voici le timbre qui en vante les mérites (20). »Le bien être du Japon passe par celui du Mandchoukouo », telle est la signification des inscriptions chinoises (21) en haut et japonaises en bas (22) de ces timbres émis en paires se-tenant. Le dernier timbre du Mandchoukouo (23) symbolise ses liens étroits avec le Japon. Il est rare oblitéré.

Paru dans Timbroscopie n° 43 – Janvier 1988

Le Mandchoukouo : un pays aux timbres sans nom
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