L’art de transformer les restes (II) Autres spécialités, Méthodologie

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Reprenons notre inventaire entrepris dans notre précédent numéro qui distingue les authentiques, les faux et les truqués circulant sur le marché, en nous penchant sur les truqués.

Les truqués sont bien plus nombreux que les faux ! ce n’est pas étonnant : leur « production », très lucrative, ne réclame que peu de moyens. But du jeu : « transformer » frauduleusement (physiquement ou à l’aide de réactifs chimiques) un objet authentique de faible valeur afin de lui donner l’aspect (et seulement l’aspect) d’un objet de valeur plus élevée. Certains faussaires réussissent à créer ainsi de véritables petits chefs d’oeuvre. Hélas pour eux, heureusement ! leur travail ne résiste pas très longtemps à l’examen par un expert expérimenté.

Voici quatre exemples qui illustreront bien notre définition :

– 85c Avion survolant Paris (YT PA n° 8, coté 10 E) transformé en 50F vert Avion survolant Paris (YT PA n°14 coté 2000E). Procédé : abrasion de la valeur « 85 c » et remplacement de cette dernière par la valeur « 50F », à l’aide d’un cliché adéquat ou, le plus souvent, par un dessin manuel. L’opération laisse toujours des traces…

-90c rouge et 1,5 F bleu (YT n°243 et 181 cotés 15 E) transformés en 90c rouge et 1,50 F bleu surchargés « 10 FR. » (YT PA n° 3 et 4 cotés 22250 E). Procédé : apposition d’une fausse surcharge à l’aide d’un faux cliché typographique.

– Lettre affranchie à l’aide d’un 2c noir sur vert et d’un 3c noir sur rose au type Cérès de Corrientes (en ouverture de cet article). Ces timbres, les premiers d’Argentine, sont très rares sur lettres. Presque tous sont annulés à l’aide de trait de plume. Notre pli doit être scrupuleusement expertisé car son affranchissement oblitéré à l’aide de deux empreintes de cachets muets, est à priori exceptionnel. C’est ce que j’ai fait. Mon diagnostic ? Un truquage. Pourquoi ? 1. Ce cachet n’a jamais annulé la moindre Cérès. Il s’agit d’une fantaisie. 2. Le 3c noir sur rose est faux (faux de « Hambourg », caractérisé par la forme du N de CORRIENTE). En examinant bien le 2c noir sur vert, il est possible de voir trois traits de plume. Le pli original était affranchi à l’aide de cette seule figurine. Le faussaire l’a transformé en un pli « exceptionnel » en rajoutant un faux 3c noir sur rose et en oblitérant le tout à l’aide d’un cachet fantaisiste Auyant collectionné les Corrientes il y a quelques années, j’ai pu déceler ce truquage en quelques secondes parce que je connais le sujet à la perfection, un domaine passionnant où faux, truqués et réimpressions abondent. Ce n’est pas le cas des deux experts (généralistes) qui ont, hélas, signé le pli. Le premier a apposé sa signature sous le faux : il s’est bien trompé. Le second a signé la lettre dans son coin inférieur droit. Peut-être l’a-t-il fait avant que le faux ne soit apposé ? nous ne le saurons jamais. Certaines pièces peuvent être expertisées, signées puis modifiées après coup. La signature demeure et on conclura, à tort, à l’authenticité de la « nouvelle » pièce. La parade consiste à remplacer la signature par un certificat d’expertise. Personnellement, c’est ce que j’ai toujours fait. Je n’ai jamais signé (et accessoirement maculé) la moindre vignette.

Fig_4

Fig_4A

– 0,90F Frégate la Melpomène, gris, rouge et orange (Cérès n°1863 en haut) transformé chimiquement en 0,90 F gris et rouge, sans la couleur orange (n°1863c du même catalogue Cérès en bas).

A ce jour, tous les exemplaires qu’il m’a été donné d’expertiser sont des truquages. L’original n’existe pas. Cela, la plupart des philatélistes avertis le savent. Ce timbre est pourtant toujours répertorié et il continue d’être régulièrement proposé sur le marché philatélique.

Pascal Marziano

L’art de transformer les restes (II)
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