Les grandes heures de l’indépendance portugaise Europe, Pays P-Z, Portugal

Une

L’histoire du Portugal ? Comme pour la plupart des «petits» pays, celle d’une interminable lutte contre des voisins envahissants, celle d’une identité nationale affirmée à coup d’incessantes batailles. Une grande fresque historique que le Portugal a lui-même mise en scène, de 1926 à 1928, dans trois grandes séries dont nous vous présentons ici les 18 timbres-types.

Que d’«envahisseurs», que d’occupants sur la difficile route de l’indépendance ! Dans l’Antiquité : des tribus ibères, les Lusitaniens. Puis les Romains, qui font du Portugal l’une de leurs provinces. Les Vandales, les Suèves et les Wisigoths, ensuite. Au début du VIIIème siècle : les Arabes. A l’aube du deuxième millénaire : les Espagnols, qui tentent de chasser les Maures de la péninsule ibérique.

0102C’est lors de cette «reconquête», précisément , que s’affirme pour la première fois l’identité portugaise. En la personne d’Alfonso Henriques (1), vassal du roi d’Espagne et engagé à ses côtés dans la lutte contre les Maures. Né au château de Guimaraes (2), une ville dont il fit plus tard la capitale de son royaume, Alfonso Henriques était un farouche guerrier. Auréolé de gloire à la suite d’une éclatante victoire au camp d’Ourique, face aux Maures, il n’hésite pas à se proclamer roi du Portugal, contre l’avis de son suzerain espagnol.

03Repoussant peu à peu l’occupant arabe vers le sud, Alfonso Henriques livra une de ses plus belles batailles en prenant le château de Santarem (3). Le 3 c vert montre ses vaillants soldats escaladant la forteresse sur leurs longues échelles. L’histoire ne dit pas si des chaudrons d’huile bouillante les attendaient en haut…

0405De ces hauts faits de guerre, l’histoire a retenu également deux noms illustres :Gonçalo Mendes da Maia et Gualdim Paes (4 et 5), deux généraux du roi Henriques morts au combat. A en croire la méchante posture du premier, mieux valait en pas se trouver à portée de son épée lorsqu’il lançait sa fière monture à l’assaut.

06Plusieurs règnes s’écoulèrent après celui d’Alfonso Henriques, pendant lesquels le Portugal vécut en paix. Jusqu’à ce qu’une intrigue de succession dresse l’un contre l’autre le Portugal et l’Espagne. Après le mariage de Beatriz, l’héritière du trône portugais, avec le roi de Castille Jean 1er, celui-ci fit sont entrée au Portugal avec l’intention de s’y faire proclamer roi une deuxième fois. La noblesse portugaise le soutenait, mais il se heurta très vite à l’opposition des bourgeois et des paysans. L’âme de la révolte : un fils naturel du roi portugais Pierre le Justicier, nommé Joao (6).

0708091011Joao affronte une première fois les Espagnols à Atoleiros, avec, à ses côtés, Nuno Alvares Pereira (7), son fidèle chef militaire que l’on voit ici pourfendre trois soldats à la fois. Mais la rencontre historique – le Waterloo espagnol – fut sans conteste la bataille d’Aljubarrota, en 1385 (8). Jean de Castille avait pourtant la supériorité du nombre : 30000 hommes contre seulement 6000 Portugais. Mais ces derniers habilement répartis en deux corps d’armées, toujours guidés par Joao et le farouche Nuno A. Pereira, infligèrent tout de même une défaite définitive aux Castillans. Deux femmes sont entrées alors dans la légende : la boulangère Brites de Almeida, supposée avoir occis sept Espagnols à coups de pelle à pain (9), (le fait est qu’elle n ‘avait pas l’air commode) et la fermière Joana de Gouveia qui, elle , avait choisi le pot au lait comme arme de combat (10) ! Une fois Jean de Castille repoussé hors des frontières, Joao se fit nommer roi dans l’enthousiasme populaire. Restait à convaincre les autres cours européennes de la légitimité du nouveau souverain. Ce fut l’œuvre du très habile docteur Joao das Regras (11), l’éminence grise du roi. De cette époque, reste aujourd’hui la magnifique abbaye de Batalha (6), en Estrémadure, construite par Joao 1er pour célébrer la victoire d’Aljubarrota. Elle abrite, entre autres, la dépouille d’Henri le Navigateur, fils de Joao 1er, qui contribua à faire du Portugal le plus riche empire commercial de l’époque, grâce au contrôle du négoce des épices.

12Intermède d’un siècle et demi environ, pendant lequel les navigateurs portugais explorent Madère, les Açores, les îles du Cap Vert et la côte orientale de l’Afrique. B. Dias double le Cap Vert de Bonne Espérance, Vasco de Gama atteint l’Océan Indien puis la Chine et le Japon. Goa, aux Indes, et Lisbonne deviennent les centres du commerce mondial des épices. Le monopole multiséculaire des Arabes et de Venise est battu en brêche. C’est l’apogée de la grande époque d’expansion coloniale. A l’intérieur des frontières, la situation est moins brillante. L’Inquisition pousse à l’exil de nombreux Juifs et Protestants. Le pays s’appauvrit. Et, surtout, la dynastie en place connaît la pire des menaces : l’extinction. Or après la mort prématurée du roi Sebastio, resté célibataire, c’est un cardinal qui assura la régence et mourut lui aussi sans désigner d’héritier. Les querelles de succession qui s’en suivirent ouvrirent bien sûr la voie au voisin espagnol, toujours à l’affut. Philippe II d’Espagne se fit ainsi proclamer roi du Portugal et commença d’écraser le pays d’impôts pour financer ses coûteuses guerres contre la Hollande et l’Angleterre. La révolte ne tarda pas à gronder. Les soulèvements se multiplièrent, durant plusieurs décennies. «Notre» cardinal Richelieu juge opportun de les attiser : la France affaiblissait ainsi par la bande les Habsbourg d’Espagne avec qui elle était en lutte. Et, le 1er décembre 1640, grande date historique au Portugal, la révolte se mue en révolution : sous la conduite de Joao Pinto Ribeiro (12), le peuple prend possession du palais de Lisbonne où logeait la vice-reine du Portugal («reine du vice», disait -on à l’époque).

1314L’Espagnole est faite prisonnière et le duc de Bragance est proclamé roi du Portugal sous le nom de Jean IV (13). Parmi les héros de cette Journée de l’Indépendance (celle-là même dont les timbres célèbrent le tricentenaire par anticipation) : Filipa de Vilhena, une femme de la noblesse portugaise qui n’hésita pas, pressée d’envoyer ses deux jeunes fils au combat, à les armer elle-même chevaliers, en leur faisant promettre de ne revenir qu’une fois l’ennemi hors d’état de nuire. On voit ici Filipa tendre l’épée à l’un de ses fils, tandis qu’elle invoque la croix de l’autre main (14).

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16Le Portugal avait définitivement acquis son indépendance, comme en témoigne le monument aux libérateurs érigé sur l’avenue de la Liberté à Lisbonne (15). Mais le pays allait devoir encore, pendant quelques années, affronter les Espagnols. Lesquels ne possédaient plus leur puissance d’antan et furent défaits à plusieurs reprises, en particulier lors de la bataille de Montijo (16) en 1644, remportée par Matias de Albuquerque (17). Peu de temps après, lors du traité de Lisbonne, l’Espagne reconnaissait officiellement la souveraineté de Jean IV de Bragance. Une dernière ombre allait encore menacer l’indépendance du Portugal : celle de Napoléon 1er, résolu à se partager le pays avec son allié espagnol. De fait, le maréchal Junot parvint à entrer dans Lisbonne mais se heurta très vite à un corps expéditionnaire envoyé par les Anglais, alliés du Portugal. Et en 1808, à la bataille de Roliça (18), le général Wellington défaisait les troupes impériales. Sept ans plus tard , il allait encore s’illustrer à Waterloo, de triste mémoire…

1718Paru dans Timbroscopie n° 28 – Septembre 1986

Les grandes heures de l’indépendance portugaise
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