Le Dodécanèse Europe, Grèce, Pays G-N

Une

Nous l’évoquions dans un éditorial, ce nom ne vous est pas forcément familier, il désigne un ensemble d’îles de la mer Egée disputées entre Turquie, Grèce et Italie dont la philatélie retrace les péripéties.

 

Le Dodécanèse est l’ensemble des îles occupant le sud-est de la mer Egée. La traduction littérale de “Δωδεκανησοζ” (= Dodécanèse) est : douze îles, mais ce nom prête un peu à confusion, car l’ensemble est constitué de 14 îles plus ou moins grandes. Ces îles sont Patmos, Lipsos, Leros, Kalymnos, Kos, Nisyros, Tilos (Piscopi pour les Italiens), Khalki, Rhodos, Symi, Karpathos (Scarpanto pour les Italiens), Kassos, Astypalia (Stampalia pour les Italiens) et Kastellorizo. Vers 1900, le nombre d’habitants s’élevait à environ 100 000, la plupart d’origine hellénique.

Depuis 1309, ces îles étaient entre les mains de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, qui, grâce surtout à l’aide vénitienne, put résister aux attaques ottomanes jusqu’en 1522. A cette date, Philippe Villiers de l’Isle-Adam, grand-maître de l’Ordre, doit capituler devant l’armée de Soliman le Magnifique.

La domination ottomane va durer jusqu’en 1912. Cette domination est relativement douce, sauf après la guerre d’indépendance grecque, où la population a pris parti pour la Grèce : il y a alors de sévères représailles.

La prise de pouvoir par les Jeunes-Turcs à Constantinople en 1908 va tout changer : la population locale est contrainte de livrer des contingents pour l’armée ottomane. Cela engendre une émigration massive des jeunes, avec une crise économique comme conséquence.

Mais en 1911, l’Italie a déclaré la guerre à la Turquie, pour la possession des territoires nord-africains de Tripolitaine et de Cyrénaïque. Le 23 avril 1912, l’amiral italien Presbitero débarque à Astypalia, et de là, s’empare de toutes les îles. La conquête italienne du Dodécanèse est achevée le 20 mai 1912.

Le traité d’Ouchy du 18 octobre 1912 accorde les territoires d’Afrique du Nord à l’Italie, mais celle-ci doit rendre le Dodécanèse à la Sublime Porte.

Cependant, les deux guerres balkaniques (1912-1913) et la Première Guerre mondiale (1914-1918), qui sont une succession de défaites pour les Turcs, empêchent cette restitution, et les Italiens restent sur place. Après la guerre, le Dodécanèse est définitivement attribué aux Italiens par le traité de Sèvres du 10 août 1920. Ils vont rester sur place jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Les timbres de la “Communauté des insulaires”

Les Italiens ont été bien reçus dans les îles, surtout grâce à la promesse de pouvoir jouir d’une très large autonomie. Dans ce sens, l’amiral Presbitero promet même, le 12 mai 1912, à l’île de Kalymnos un statut qui équivaut à une quasi-indépendance, avec une souveraineté italienne purement nominale.

011 Mai 1912: les timbres avec la mention “ΚΟΙΝΟΝ ΝΗΣΙΩΤΩΝ”

Enchantés, les habitants de l’île projetent l’émission d’une série de timbres : Ils commandent le 21 mai 1912 trois timbres à l’effigie du dieu-soleil Apollon, avec la mention “ΚΟΙΝΟΝ ΝΗΣΙΩΤΩΝ” (= communauté des insulaires) 1. Mais dès l’arrivée des timbres, le général Ameglio, nommé gouverneur militaire du Dodécanèse, désavoue la proclamation de Presbitero, et il confisque l’ensemble des timbres, afin de les détruire. Cet événement, annihilant tous les espoirs des insulaires, signifie dès le début la fin des bonnes relations entre les habitants et l’occupant italien.

L’occupation italienne

022 22 septembre 1912, n°s 1/2 – Surcharges “EGEO” sur timbres italiens,
pour pouvoir concurrencer les services postaux étrangers.

Dès le début de l’occupation, le service postal turc est supprimé et remplacé par la poste italienne, mais les offices postaux russe, français et autrichien continuent à fonctionner. Les timbres italiens de 25 centesimi (tarif d’une lettre pour l’étranger) et de 50 centesimi (tarif pour un envoi recommandé) ont cependant peu de succès : aux bureaux étrangers, ces tarifs sont de 1 et 2 piastres, ce qui revient moins cher au taux de change. C’est pourquoi dès le 22 septembre 1912, les timbres à 25 et 50 centesimi sont surchargés “EGEO” 2 et vendus eux aussi à 1 et 2 piastres.

033 1er décembre 1912, nos 1/4 & 6/8 pour chaque île,
nos 1/4 & 7/9 pour Rhodes – 13 x 7 valeurs surchargées pour chaque île.

Dès le 1er décembre 1912, sept timbres italiens 3 sont émis avec une surcharge spécifique pour 13 îles (Kastellorizo n’est pas encore italienne). Les trois plus grosses valeurs sont vendues en dessous de la valeur nominale (le 25c à 20c, le 40c à 35c et le 50c à 40c). Cela favorise la poste italienne par rapport aux bureaux étrangers, où le taux de change moyen est de 1 piastre = 22 centesimi.

Malgré la mention spécifique pour chaque île, chaque timbre surchargé peut être employé dans l’ensemble du Dodécanèse.

044. Début 1916, n° 5 pour chaque île, et 1917, n° 6 pour Rhodes 13 x le timbre de 15 centesimi
surchargé “cent. 20”, et le 20c spécial pour Rhodes.

Début 1916, suite à un changement de tarif, un ensemble de timbres de 15 centesimi avec la surcharge “cent. 20” est envoyé dans les îles. Mais à Rhodes, la quantité est insuffisante, et un 20c au type «Floreale» y est spécialement prévu pour pallier ce manque de figurines 4.

055 1917, n° 9 pour chaque île, n° 10 pour Rhodes 13 x
le nouveau type de 20 centesimi

En juin 1917, un nouveau type de 20 centesimi au type «Michetti» est expédié dans les îles 5.

066 1921-1922, nos 10/11 pour chaque île,
n° 11/12 pour Rhodes 13 x les nouveaux 20c et 15c.

Un nouveau 20 centesimi, cette fois-ci avec filigrane, est envoyé de Rome aux îles, d’abord en 1919 pour Rhodes, et en 1921 pour toutes les autres îles. En avril 1922, il y a eu encore un nouveau 15c pour toutes les îles 6.

077 1922, nos 13 & 14 de Rhodes Le 85c. spécial pour Rhodes,
et le 1 lire non-émis.

Finalement, on trouve encore en septembre 1922 un 85c avec la seule surcharge de Rhodes. Un timbre à 1 lire, avec la surcharge “Rodi”, a été préparé en 1922, mais jamais envoyé au Dodécanèse : il n’a été vendu (pour les collectionneurs…) qu’à Rome 7.

Après le traité de Sèvres de 1920, qui accorde définitivement les îles à l’Italie, ce sont les timbres normaux d’Italie qui ont cours dans le Dodécanèse, mais les timbres surchargés peuvent être employés jusqu’à l’épuisement des stocks. Entre 1920 et 1923 il existe donc de nombreux affranchissements mixtes Italie-Dodécanèse.

Les timbres du Dodécanèse restent même pendant longtemps encore disponibles au bureau philatélique de la poste centrale de Rome : c’est pourquoi la plupart des timbres neufs ne sont pas très difficiles à trouver.

Le Dodécanèse territoire italien

Le traité de Lausanne du 24 juillet 1923, confirmant celui de Sèvres de 1920, accorde définitivement le Dodécanèse à l’Italie. L’Italie n’est donc maintenant plus un pays occupant, mais le Dodécanèse devient une partie intégrante du territoire italien.

Il est donc normal qu’à partir de 1923, les timbres italiens normaux soient employés. Les timbres émis par l’Italie à partir de 1929 spécialement pour le Dodécanèse sont donc complètement inutiles et superflus. Ils ne servent qu’à souligner l’importance de l’Italie fasciste comme puissance européenne et coloniale (Afrique du Nord et Afrique orientale).

08a8 1929, n°s 15/23 Timbres avec la mention “Rodi”.

099 1933, n°s P.A. 28/29 Timbres italiens avec la surcharge “Isole Italiane dell’Egeo”

1010 1933, Timbres avec la mention “Isole Italiane dell’Egeo”

Il y a d’abord des timbres avec la mention “Rodi” 8, ensuite plusieurs séries italiennes avec la surcharge “Isole Italiane dell’Egeo” 9, plus tard avec ce même texte comme mention normale sur les timbres 10.

1111 1930, n°s 12/16 pour chaque île, n°s 24/28 pour Rhodes 14 x la série italienne “Ferrucci” surchargée.

1212 1932, nos 17/26 pour chaque île, nos 29/38 pour Rhodes 14 x la série italienne “Garibaldi” surchargée.

On émet finalement encore deux séries (“Ferrucci” en 1930 11 et “Garibaldi” en 1932 12), surchargées avec les noms des 14 îles séparément !

Les années 1943-1947

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’Italie continue à occuper le Dodécanèse, jusqu’en septembre 1943. Après la chute de Mussolini le 25 juillet 1943, l’entrée en vigueur le 8 septembre 1943 de l’armistice, signé par l’Italie de Badoglio, signifie la fin de l’alliance entre l’Italie et l’Allemagne.

Dès le 11 septembre, l’armée allemande commence à occuper toutes les îles du Dodécanèse, y remplaçant l’Italie, leur ex-allié. Les îles ayant une importance stratégique majeure, les troupes allemandes parviennent à y rester jusqu’à la fin de la guerre, et ce n’est que le 8 mai 1945 qu’elles acceptent de remettre leur capitulation aux forces britanniques, françaises et grecques.

L’autorité militaire britannique va exercer son administration sur les îles jusqu’à la signature du traité de Paris entre l’Italie et les Alliés, le 10 février 1947. Par ce traité, toutes les îles du Dodécanèse sont accordées à la Grèce, qui en prend possession le 31 mars 1947. Un an plus tard, le 7 mars 1948, le Dodécanèse devient officiellement une partie du territoire grec.

1313 1943-1945 : exemples de timbres avec une surcharge à surtaxe émis par les autorités allemandes.

1414 octobre 1944 : la seule série de nouveaux timbres, émise par les autorités allemandes.

De novembre 1943 à février 1945, les nouvelles autorités allemandes émettent des timbres, toujours à surtaxe, officiellement en faveur de la population locale, en fait surtout destinée à alimenter les caisses de l’armée allemande. Ce sont des surcharges sur des timbres italiens du Dodécanèse. Une seule série de nouveaux timbres est émise, en octobre 1944, pour les sinistrés de la guerre 13, 14.

A partir de l’hiver 1944-1945, les communications entre les troupes allemandes, en garnison en Crète et dans le Dodécanèse, et l’Allemagne deviennent de plus en plus difficiles. C’est pourquoi les autorités militaires allemandes du Dodécanèse décident de limiter les envois : des timbres de franchise allemands sont surchargés “INSELPOST” (= poste des îles), et chaque militaire reçoit huit vignettes par mois. L’envoi de et vers les îles ne s’effectue pas si la lettre ou le colis ne porte pas la vignette “INSELPOST”, ce qui signifie que, pour recevoir une réponse, il faut envoyer une deuxième vignette au destinataire de la lettre ou du colis.

1515 Fin 1944 : exemples de timbres allemands
de franchise militaire surchargés “INSELPOST”

Il y a des surcharges effectuées à Vukovar, à Rhodes, à Zagreb et à l’île de Leros 15.

1616 1945-1947 : exemples de timbres britanniques surchargés «M.E.F.»

Après la capitulation allemande du 8 mai 1945, c’est l’administration britannique qui dirige le service postal, employant les timbres anglais avec la surcharge “M.E.F.” (= Middle East Forces), qui sont envoyés au Dodécanèse en provenance d’Egypte 16.

Le 31 mars 1947, l’ensemble du Dodécanèse est restitué à la Grèce, et immédiatement, les timbres préparés en Grèce entrèrent en vigueur : ce sont des timbres d’usage courant de Grèce, avec une surcharge en nouvelles drachmes.

1717 1 & 2 avril 1947, nos 1 & 1a Surcharge “Σ.Δ.Δ” argentée
et rouge sur les timbres surchargés à 10 drachmes.

1818 1947, nos 2/7. Autres timbres surchargés “Σ.Δ.Δ”, avec nouvelle valeur.

A l’arrivée des premiers timbres, surchargés à 10 drachmes, les milieux militaires grecs, dans un but purement spéculatif, font imprimer une surcharge “Σ.Δ.Δ” (= abréviation grecque de “administration grecque du Dodécanèse”) sur une petite quantité de ces timbres, d’abord en argent (1/4/1947), ensuite en rouge (2/4/1947), et les proposent à la vente à des prix élevés. Pour mettre fin à cette spéculation, Athènes décide d’apposer cette surcharge “Σ.Δ.Δ” sur l’ensemble du tirage. Les six autres valeurs, surchargées en nouvelles drachmes et portant donc l’abréviation “Σ.Δ.Δ”, arrivent dans le Dodécanèse en septembre 1947 17, 18.

1919 30 avril 1947, nos 8/9. Timbres de deuil du roi Georges II, avec la surcharge “Σ.Δ.Δ”.

Le 30 avril 1947, deux timbres de Grèce de 1946 (roi Georges II), sont surchargés localement “Σ.Δ.Δ”, pour commémorer la mort du souverain, survenue le 1er avril 1947 19.

Dès lors, ce sont évidemment les timbres grecs qui ont cours dans le Dodécanèse. La Grèce commémore le retour de ces îles lointaines avec plusieurs séries.

20a20 Kastellorizo

20b20 Patmos

20c20 Vase égéen

20d20 Costume féminin du Dodécanèse

20e20 Emmanuil Xanthos

20f20 Projet des timbres de Kalymnos de 1912

20g20 Voilier et carte de Kassos.

20h20  Le colosse de Rhodes.

20i20 Hippocrate. 

1947-1951. Commémoration du retour du Dodécanèse à la Grèce

La première, représentant des thèmes du Dodécanèse, est émise à partir du 20 novembre 1947 20.

2121 Symbole de la perte des îles depuis 1309. Carte et drapeau. 1968, nos 962/963.
20e anniversaire de l’incorporation du Dodécanèse à la Grèce.

2222 1998, nos 1952/1955. 50e anniversaire de l’incorporation du Dodécanèse à la Grèce

Deux séries sont émises en 1968 et en 1998, pour le 20e et le 50e anniversaire de l’incorporation du Dodécanèse à la Grèce 21, 22.

 

Guy Coutant

Le Dodécanèse
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Recent Comments

  1. M.Canellis Alexandre

    Avec plus d’un an de retard et grâce à mon contact avec votre revue au Salon d’Automne 2017 j’ai pu lire votre article ! je suis enthousiasmé par les précisions de vos informations historiques ! je suis d’origine grecque et collectionneur bien sûr ! BRAVO encore : je vais voir pour une nouvelle collection précise
    sur ces belles îles grecques du Dodécanèse (signification du mot : 12 îles !!!) MERCI Mme Sophie Fournier : je vais regarder votre liste de plus près.

  2. M.Canellis Alexandre

    voir plus haut (erreur d’emplacement de mon commentaire ENTHOUSIASTE (encore un mot grec !!!).
    je vais ouvrir un compte et m’abonner a votre revue.
    A.Canellis

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