Le mémorial postal du Gaullisme Autres spécialités, France, Monaco, Andorre, Sujets généraux, Thématiques

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Le timbre, on le sait, est le vecteur favori de la propagande politique au sens où il incarne – par le choix que fait l’administration des visuels qu’elle imprime- les idées et l’imagerie du pouvoir en place. Le Gaullisme en est une intéressante illustration.

Le Mémorial Charles De Gaulle, le nouvel espace muséographique ouvert en 2008 au pied de la monumentale Croix de Lorraine à Colombey-les-deux-églises concentre désormais tous les superlatifs dans le domaine du souvenir gaullien : 4 000 m², 1600 m² d’espace d’exposition, 50 installations audiovisuelles et multimédias, 1 000 photographies… Il dépasse en ampleur, comme en ambition, l’Historial Charles De Gaulle inauguré presque simultanément sous la cour de la Valeur de l’Hôtel national des Invalides et dont l’approche muséographique est centrée exclusivement sur l’image. La proximité géographique directe avec la demeure familiale de La Boisserie renforce, il est vrai, sa légitimité tant morale que scientifique. Toutefois, dès 1944 le Gaullisme avait déjà trouvé au sein de l’imagerie postale un lieu pour l’expression et la mise en scène de sa propre mémoire.

Une présence symbolique (1944-1968)

Entre Historial et Mémorial, les représentations du Gaullisme1

Entre Historial et Mémorial, les représentations du Gaullisme2

L’image du général De Gaulle a très vite entretenu, mais d’une manière bien involontaire cependant, une certaine proximité voire familiarité avec l’iconographie postale. En effet, durant la Seconde Guerre mondiale, des résistants niçois rattachés au groupe Combat réalisèrent et diffusèrent un premier timbre-poste à l’effigie du chef de la France libre 1. Le portrait n’était guère ressemblant et cette impression générale plutôt négative se trouvait renforcée par la mauvaise qualité du papier utilisé comme la réalisation superficiellement artisanale de la vignette. Rétrospectivement cette initiative peut faire sourire. Ce serait oublier un peu vite les risques réels encourus les auteurs de cette fraude politique. Toutefois, en règle générale, les services du secrétariat général à l’information se montraient plus débonnaires que ceux de la propaganda abteilung d’Otto Abetz. Loin de n’être qu’anecdotiques cependant, les activités liées à la propagande politique constituaient l’un des services spécialisés de l’une des quatre branches du groupe Combat, un des mouvements de résistance parmi les plus importants de la zone sud voire même de ceux représentés au niveau national au sein du Conseil national de la Résistance. De plus, il ne s’agit que d’un amateurisme de façade, car ses créateurs dont le photograveur Robert Thivin s’étaient en fait librement inspirés de deux timbres-poste d’usage courant à l’effigie du maréchal Pétain dessinés et gravés respectivement par Jean Bersier et Jules Piel pour le premier 2 et Pierre Gandon pour le second. En jouant sur la couleur, l’aspect général du décor et le profil martial assez proche, ce faussaire de talent, qui réalisa par ailleurs quantité de faux papiers et de cachets pour la Résistance, espérait sans doute créer une confusion qui en faciliterait ultérieurement la diffusion au sein de la population et, par là même, de celle de l’image du chef de la France libre.

D’autres initiatives proches furent signalées, notamment dans le département des Bouches-du-Rhône. Elles utilisèrent d’une manière très astucieuse les bandes de papier gommé et dentelé qui sur, chaque feuille, séparaient les timbres-poste avant qu’ils ne soient détaillés. Afin de lutter contre ce nouveau comportement frauduleux et politiquement très incorrect, la direction régionale des P.T.T. émit dans la foulée une circulaire qui fut adressée à tous les bureaux de poste précisant que lesdites vignettes ne possédaient aucune valeur réelle d’affranchissement.

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Dans les mois qui suivirent le débarquement, les timbres-poste émis sous l’égide du régime de Vichy furent brutalement démonétisés. Cette mesure, hautement symbolique, intervint le 7 août 1944 à Alger, le 26 août suivant en Corse et le 26 septembre pour l’ensemble du territoire national. Un arrêté rectificatif vint cependant différer son application au 1er novembre. Dans l’entremise, afin de pallier la pénurie, le G.P.R.F. autorisa des émissions de « timbres surchargés sur ordre des commissaires de la République » plus connus sous le vocable de « timbres de la Libération ». Il s’agissait en fait de timbres-poste officiellement démonétisés dont il restait cependant d’importants stocks qui furent alors remis temporairement en circulation avec une surcharge masquant en partie ou en totalité l’ancienne figurine. Le monogramme « RF » 3, 4 et 5 a été à cette occasion très largement plébiscité, qu’il apparaisse seul ou encadré dans un souci de lisibilité. Plus rares, en revanche, sont les croix de Lorraine souvent associées à la mention « Libre » 6, 7. Bien d’autres exemples encore ont été répertoriés car de telles initiatives n’étaient pas dénuées d’arrière-pensées philatéliques ou simplement commerciales. Seules quelques-unes ont d’ailleurs a posteriori été reconnues et officialisées. Certaines, bien qu’ainsi légalisées, demeurent néanmoins aussi anecdotiques que régionales, à l’image de « F.F.I. Savoie » 8, 9. L’épisode collectif de résistance philatélique le plus connu intervint cependant lors de la libération de Paris. Entre le 20 et le 26 août pendant l’interruption du service postal les Forces Françaises de l’Intérieur ont utilisé pour leurs besoins propres des enveloppes affranchies par un timbre-poste à 1 f. 50 surchargé par une imposante croix de Lorraine qui dissimilait le portrait du maréchal Pétain et accompagné d’une vignette bleue sans valeur faciale à l’effigie du général De Gaulle, mais dont l’usage postal demeura néanmoins insignifiant 10. De telles initiatives ne dépassèrent donc pas toutefois un stade expérimental. La personnification qui avait caractérisé le régime de Vichy interdisait en effet de tels prolongements républicains après la Libération. En revanche la croix de Lorraine, emblème officiel de la France libre dès juillet 1940, s’immisça dans l’imagerie postale à partir du mois de novembre 1944 11. Il est difficile de retracer avec exactitude la chronologie de son invention symbolique, d’autant qu’elle ne fut pas exempte d’une certaine forme d’improvisation, propre à ces circonstances troublées. L’amiral Muselier souhaitait opposer à la croix gammée un autre symbole fort tout aussi immémorial. Originaire de Lorraine, son choix semble s’être porté naturellement sur cette croix à double traverse adoptée par les ducs d’Anjou avant qu’ils ne deviennent ducs de Lorraine. Ces derniers décidèrent en effet d’afficher ostensiblement leur vénération respectueuse pour ce fragment de la vraie croix contenu dans un reliquaire dont l’origine remonte selon toute vraisemblance à Byzance au début du XIIIe siècle et dont la présence sur leur emblème temporel renforçait leur prestige. À cette fin, ils choisirent donc de l’inclure sur leur blason et dans leurs armoiries. Des origines familiales dont il ne faut pas toutefois exagérer l’importance, car cette croix de Lorraine figurait également sur les armes du 507ème régiment de chars commandé par un certain colonel De Gaulle lors de la campagne de France en juin 1940. Quelques mois après le Débarquement, dès novembre 1944, elle apparaît ainsi successivement, même si ce fut au départ d’une manière très discrète, au côté des principaux emblèmes de la République comme le coq gaulois en 1944 ou le profil de Marianne, l’année suivante. Elle constitua même le point focal d’une représentation allégorique célébrant la fin de l’oppression évoquée à travers l’image de cet écu frappé de la croix de Lorraine brisant une lourde chaîne. Toutefois, elle ne fut pas associée du moins dans sa version contemporaine à la libération de certaines villes, même Metz, qui lui préféra une représentation plus classique du point de vue héraldique. La création du rassemblement du peuple français (R.P.F.) le 14 avril 1947, qui l’avait logiquement adopté comme logo explique sans doute ensuite sa provisoire éviction de l’iconographie postale française. La même année en effet l’administration des Postes décida d’émettre une figurine sur le thème de la Résistance. Elle sollicita plus de 10 artistes, un effectif plutôt inhabituel et souvent révélateur d’un enjeu dépassant le strict cadre philatélique. Au total, c’est près de 33 maquettes qui furent présentées dont celles de Paul-Pierre Lemagny et c’est la plus impersonnelle qui fut retenue. Tout du moins, celle présentant une expression acceptable de la révolte et totalement expurgée de ces discrets graffitis gaullistes 12A et 12B. La croix de Lorraine effectua néanmoins quelques apparitions épisodiques comme en 1952 à l’occasion du dixième anniversaire de la victoire de Bir Hakeim 13 ou en 1954 pour celui de la Libération 14. Une discrétion qui perdura d’ailleurs après le 13 mai 1958. Cette césure institutionnelle sembla néanmoins décomplexer l’administration des Postes vis-à-vis de l’appel du 18 juin 1940, car l’espace de quelques années, ce ne sont pas moins de deux timbres-poste qui lui furent directement consacrés et sans qu’il soit possible, pour l’un d’entre eux du moins 15, de douter de son aussi illustre que politique auteur.

Images d’un passé présent (1969-1980)

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De la démission du général De Gaulle, le 28 avril 1969, à l’issue du référendum sur le double projet relatif à la régionalisation et à la transformation du Sénat à sa disparition brutale l’année suivante, le 9 novembre 1970, l’administration des Postes à l’image de la France sembla avoir tué le père. En effet, les allusions gaullistes qu’elles soient directes ou indirectes semblèrent soudain bannies de l’imagerie postale. Le bien-fondé scientifique de cette esquisse d’analyse psychanalytique de comptoir a certes ses limites, mais ce n’est néanmoins que le 9 novembre 1971 qu’elles firent de nouveau leur apparition pour commémorer, non pas l’anniversaire de la mort de l’ancien chef de l’État, mais soutenir la décision de réaliser un mémorial à Colombey-les-deux-Églises. L’initiative de ce projet revient au comité national du Mémorial du général De Gaulle. Ce dernier fut constitué le 23 mars 1971 sous l’égide de Georges Pompidou et lança une vaste souscription afin de réunir les fonds nécessaires à sa réalisation. Elle toucha tant des individus qui y apportèrent leur soutien financier à titre personnel, que des pays entiers comme le Liban ou encore des institutions. Dans cet épisode de communion nationale l’administration des Postes prit ainsi la décision d’émettre une bande de quatre timbres-poste. Le choix se porta sur deux épisodes de la France libre et deux portraits du général De Gaulle. Le premier en uniforme de général de brigade à titre provisoire et le second en Président de la République 16. Cette initiative n’était pas sans rappeler une ou plutôt deux autres, d’une période où pour paraphraser Georges Pompidou : « les Français ne s’aimaient pas ».

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En effet, successivement en 1942 et 1943, le secrétariat général des P.T.T. a mis pour la première fois en circulation à l’occasion des quatre-vingt-septième et quatre-vingt-huitième anniversaires du chef de l’État des bandes postales comportant de quatre à cinq figurines. La première se composait exclusivement d’effigies du chef de l’État en uniforme et en civil 17.

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La seconde avait gardé le principe des deux portraits qui venaient cette fois encadrer non pas une francisque, mais la devise de l’État français « Travail, famille, Patrie » 18. Du point de vue esthétique, la parenté est évidente mais la similitude se retrouve également sur le plan graphique, bien qu’elles ne fussent pas réalisées par les mêmes artistes. Mais cette vieille recette avait déjà fait ses preuves et le succès fut immédiat à l’image de la souscription d’ailleurs. Les sommes récoltées furent deux fois plus importantes que prévues, ce qui permit de financer l’acquisition d’un important domaine foncier, la réalisation de voies d’accès et d’un logement pour le gardien du site.

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Après cette évocation, non dénuée d’une certaine grandiloquence, les apparitions du gaullisme postal furent certes récurrentes, mais plus timides. Elles se firent à travers la commémoration de quelques grandes dates ou figures de la France libre et de la résistance gaulliste. Le général Philippe Kieffer en 1973 19, le général Koenig en 1974 20 et le 40e anniversaire de l’appel du 18 juin en 1980 21. Ce gaullisme postal sembla cependant traverser durant cette période une phase de transition car il connaît alors d’autres développements périphériques ou parallèles.

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L’évocation de quelques grandes figures tutélaires du gaullisme politique comme Eugène Thomas ou Georges Pompidou en font partie, mais également et c’est plus novateur les gardiens associatifs de la mémoire du gaullisme avec en 1976 le 30e anniversaire de la fondation de l’association des Français libres 22 et l’année suivante le quinquennat de l’inauguration du mémorial à Colombey-les-deux-Églises 23 dont le succès public ne semble pas s’être démenti depuis sa création, sans oublier l’inauguration du premier des grands chantiers éponymes avec l’aéroport Roissy Charles-De-Gaulle 24.

De la négation à la « Panthéonisation » (1981-2010)

En 1981, l’élection à la magistrature suprême de l’ennemi politique intime du général De Gaulle sembla dans un premier temps sonner définitivement le glas de l’imagerie postale du gaullisme. En effet, durant le premier mandat de François Mitterrand, aucun timbre-poste n’y fit allusion, pas même en filigrane.

Cet ostracisme iconographique passa cependant relativement inaperçu. Affichant un goût immodéré pour la modernité, le précédent occupant du palais de l’Élysée l’avait pour ainsi dire déjà anticipé en prenant ses distances avec ce lourd passé politique, dont les représentations pouvaient s’avérer aussi monumentales qu’envahissantes. Ce qui peut donc s’apparenter à une forme respectueuse de défiance constitua ainsi involontairement une douce transition avant ce néant vengeur. L’imagerie postale sembla donc soudain avoir été définitivement épurée des derniers vestiges iconographiques de cette présence gaulliste, y compris pour les émissions de figurines intervenant dans le cadre du cycle commémoratif de la Seconde Guerre mondiale.

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En 1984, par exemple, lors des cérémonies organisées dans le cadre du quarantième anniversaire de la Libération, le choix se porta sur deux représentations évoquant d’une part les maquis et d’autre part le débarquement des forces alliées en Normandie 25. Cette absence remarquable de références gaullistes se renouvela l’année suivante en 1985 pour célébrer cette fois la fin du second conflit mondial.

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Les deux nouvelles créations originales de Raymond Moretti 26 symbolisaient respectivement le retour à la paix et à la liberté à travers une allégorie républicaine et une autre évocation, beaucoup moins évanescente cette fois, de la libération des camps de concentration. Ce réalisme saisissant accentué par un graphisme très caractéristique, librement inspiré sans doute des photographies réalisées par l’armée américaine contrastait d’ailleurs singulièrement avec la première figurine dans laquelle les couleurs du drapeau français semblaient avoir enfanté une sorte d’hybride de maquisard et de Marianne au combat. Ce négationnisme philatélique ne s’inscrivit pas toutefois dans la longue durée. Dès 1988, le portrait du général De Gaulle fit de nouveau son apparition dans l’imagerie postale. Une évocation très consensuelle car associée à celle de Konrad Adenauer à l’occasion du trentième anniversaire de la construction européenne 27 qui fut l’un des rares, sinon le seul invité officiel de La Boisserie. Cette figurine sembla même avoir fait sauter un véritable verrou mémoriel, car à partir de cette année le gaullisme s’afficha de nouveau sans complexe dans l’imagerie postale française. Comme durant la période précédente, il fut à nouveau associé également aux commémorations de la Seconde Guerre mondiale 28, 29.

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Cette tendance initiée durant le deuxième septennat de François Mitterrand se poursuivit en s’accentuant sous ceux de Jacques Chirac, puis de Nicolas Sarkozy. Il s’étendit également aux grandes figures du gaullisme parallèlement aux disparitions successives, comme celle de Michel Debré en 1998 30 ou de Jacques Chaban-Delmas en 2001 31 et l’utilisation massive des anniversaires pour les autres. Ce n’est que plus récemment en 2003 qu’une figurine est allée au-delà de l’homme du 18 juin 1940 et du père fondateur de la Ve République avec une évocation de sa famille à travers une figurine dédiée à sa sœur Geneviève Anthonioz De Gaulle 32, résistante et ancienne présidente de l’association caritative ATD Quart Monde. Elle ne fit cependant qu’effleurer l’intimité du grand homme, car la même année c’est une figurine plus classique consacrée au nouveau fleuron de la marine française, le porte-avions Charles De Gaulle 33, qui sembla inaugurer un cycle des plus classiques avec les anniversaires successifs de la disparition de Félix Eboué en 2004 34, de la création de la Ve République en 2008 35 et de l’appel du 18 juin 1940 en 2010 36 auxquelles il faut ajouter en 2008 la véritable renaissance du Mémorial Charles De Gaulle à Colombey-les-deux-Églises 37 et qui invita pour la première fois à pénétrer dans l’intimité de la sphère familiale d’une manière cependant très elliptique.

Les développements ultramarins

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Cette expression philatélique du Gaullisme ne s’est pas limitée non plus à la seule France métropolitaine. Elle a également connu des développements ultramarins, qui constituèrent la première étape vers une diffusion internationale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’empire colonial a été érigé un enjeu stratégique majeur pour l’ensemble des forces en présence. Il est frappant de constater que, successivement, laIIIe République, le régime de Vichy et la ive République utilisèrent la même figurine avec quelques aménagements mineurs cependant pour le célébrer. Cette mappemonde, dessinée et gravée par Jules Piel, illustrant le caractère universel de la présence française dans le monde en constitua en effet le support iconographique en 1940, 1941 et 1945 38A, 38B et 38C. Outre la palette chromatique, elles se distinguent également par la disparition du monogramme « RF » entre 1940 et 1941 remplacé par le plus neutre « Postes françaises » et son retour en 1945 accompagné cette fois d’une croix de Lorraine dans sa version historique non stylisée.

Ce gaullisme postal ultramarin s’exprima dans un premier temps à travers les surcharges qui accompagnèrent symboliquement le ralliement des différentes parties de l’empire à la France libre entre 1940 à 1944. Les timbres-poste utilisés dans l’empire colonial étaient, dans leur immense majorité, réalisés en France. La rupture des relations avec la métropole obligea l’utilisation des stocks restés sur place qui furent actualisés par l’apposition d’une surcharge.

Leur variété sémantique est pour ainsi dire absolue et certaines firent même assaut d’originalité. L’adjectif « Libre » qu’il soit employé seul ou associé à un territoire comme « France libre » ou « Afrique française libre » revient néanmoins d’une manière récurrente. Il peut être également accompagné d’une croix de Lorraine, voire d’une date correspondant à celle du ralliement, comme en Afrique équatoriale française. Certaines mentions, plus rares, firent allusion aux forces navales ou aériennes de la France libre. La mention de la « Résistance » apparaît que plus tardivement à partir de 1942, d’abord dans les territoires français du Levant puis en Afrique équatoriale française.

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Quant au Général De Gaulle, il n’est apparu qu’une seule fois nominativement sur une émission du Cameroun qui se caractérise par une très grande variété de surcharges dont certaines demeurent rétrospectivement quelque peu obscures masquant très maladroitement la tentative de manipulations philatéliques comme « Spitfire » 39 ou « Valmy » ou encore « Ambulance Laquintinie » 40, en l’honneur du héros éponyme de la France libre ayant œuvré au ralliement du Cameroun à la France libre 41.

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Cette floraison sémantique s’avéra sans lendemain car dès l’immédiate après-guerre, évocation ou allusion à des personnalités vivantes furent de nouveau bannie de l’imagerie postale. Une disposition qui ne s’appliquait cependant qu’à la France, car 1946 le général De Gaulle apparut en personnage secondaire dans une série de 6 timbres-poste dédiée au président Théodore Roosevelt émise par l’administration postale nicaraguayenne 42.

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Par la suite, il devint l’une des figures thématiques tutélaires de la philatélie car de nombreux pays en Afrique subsaharienne principalement 43, 44, 45 mais également au Moyen-Orient et en Amérique du Sud 46 lui consacrèrent une ou plusieurs émissions de timbres-poste.

Le gaullisme occupe en France une place à part au sein de la nébuleuse idéologique constituée par la pensée politique contemporaine. Du fait de la jeunesse de sa genèse, son emprise idéologique ne devrait logiquement être que très superficielle. Or, depuis la fin de la décennie 1980, cette dernière a très largement dépassé les clivages politiques traditionnels pour accéder à l’une de ces formes nationales d’universalité, assez indissociable d’ailleurs de l’identité culturelle française.

Une telle évolution peut surprendre. En effet, si les principes définis ou simplement mis en exergue par son fondateur éponyme avaient, dès l’origine, pour ambition de dépasser voire de sublimer l’individu., celui-ci ne chercha jamais à jeter les bases d’une nouvelle doctrine.

Ni corpus théorique donc, ni Res Gestae, mais un ensemble d’écrits dont l’hétérogénéité structurelle appelait, sinon interpellait, les exégètes de tous bords.

La mémoire du gaullisme serait-elle donc en passe de devenir un enjeu politique majeur dans les années à venir ?

Dans l’affirmative, l’imagerie postale devra nécessairement y trouver sa place. Sur cette « destinée » il semble que le général De Gaulle lui-même ait manqué cette fois de clairvoyance. D’après André Malraux, en se promenant à proximité de La Boisserie, il aurait confié à un journaliste en 1954 : « Voyez cette colline. C’est la plus élevée. On y édifiera une Croix de Lorraine quand je serai mort » avant d’ajouter sceptique : « personne n’y viendra, sauf les lapins pour y faire de la résistance ». La Croix de Lorraine est bien là, les lapins aussi mais ils ne sont pas les seuls et derniers gardiens du temple gaullien.

Grégory Aupiais

 

Le mémorial postal du Gaullisme
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