Des erreurs de valeur France, Monaco, Andorre, Variétés

Une

Le marché des variétés d’impression est florissant, en témoignent les publicités publiées dans la presse ou les rubriques des catalogues des ventes de timbres. Voici un éventail de ces défauts qui, s’ils « abîment » le timbre, ne lui en confèrent pas moins une plus-value parfois importante.

L’impression en taille-­douce

Dans ce procédé d’impression, et contrairement à la typographie, ce sont les creux du cliché, ou tailles, qui impriment. Les timbres gravés en taille-douce se reconnaissent facilement à leur relief caractéristique.

Cependant, comme en typographie, le point de départ est un poinçon, gravé en creux et à l’envers, sur acier doux. Cette fois, l’artiste va enlever, au burin, les parties devant apparaître en couleur sur le timbre. Les creux qui en résultent sont remplis d’encre. Le papier, préalablement humidifié, est « enfoncé » dans ces tailles afin de venir chercher l’encre. Il en résulte donc des saillies du papier, en relief et encrées.

Le poinçon original est fragile, il ne sert qu’à l’impression de quelques épreuves d’artiste (ces documents permettent au graveur de juger son travail). Une fois achevé, le poinçon original est trempé (durci) afin de pouvoir être transféré sur un outil intermédiaire capital appelé molette de transfert. Cette dernière est un petit cylindre d’acier doux qui porte, en relief, tous les creux du poinçon original, mais à l’endroit !

C’est ce « moulage» du poinçon qui, trempé à son tour, sert à confectionner l’unité d’impression : les reliefs de la molette sont reportés (un certain nombre de fois), par pression graduelle sur cet outil métallique, plan ou cylindrique. Ces reliefs donnent donc des creux, à l’envers, similaires à ceux du poinçon original ! Comme en typographie, le tirage peut s’effectuer à plat ou sur rotative.

Taille-douce à plat

Dans ce procédé « artisanal», le cliché métallique, plan, est monté sur une presse à bras. L’impression s’effectue à plat, en une seule couleur, sur des feuilles préalablement découpées. Cette technique lente a été abandonnée au profit de la taille-douce rotative, plus performante.

Taille-douce rotative

En taille-douce rotative, le cliché est porté par un cylindre (virole) en acier, recouvert de cuivre, puis chromé électrolytiquement (durci). L’impression peut donc s’effectuer, l’encre ayant été préalablement déposée dans les tailles, et l’excès, essuyé par l’intermédiaire des rouleaux toucheur et essuyeur. Le papier gommé, livré en bobines, passe alors entre le cylindre d’impression encré et un cylindre de contrepression (presseur) pour aller chercher l’encre au fond des tailles du cliché.

Le papier ayant été préalablement humidifié, le report de l’encre déposée dans les tailles est facilité, créant ainsi ce relief si caractéristique au toucher.

Trois types de presses sont actuellement utilisées en taille-douce rotative suivant le nombre de couleurs à imprimer:

– jusqu’à trois couleurs : les presses TD3 (taille-douce trois couleurs) ; les presses RGR (rotative à grand rendement) ;

– jusqu’à six couleurs: les presses TD6 (taille-douce six couleurs).

Voyons, à présent, les spécificités de chacune d’entre elles.

Les presses TD3. - Le cylindre d ‘impression de ces rotatives reçoit ses encres par l’intermédiaire de rouleaux toucheurs. Ces derniers sont découpés, à la main, en relief, case par case. Ils reçoivent à leur surface une couleur qui, dans un deuxième temps, est déposée sur le cylindre d’impression, à un endroit précis. Il y aura donc autant de rouleaux toucheurs que de couleurs à imprimer, sans aucune possibilité de superposition des encres. En fin d’impression, une bande de papier de soie viendra protéger la bande imprimée. Les feuilles sont ensuite perforées à l’emporte-pièce, numérotées, datées et, enfin, découpées.

Les presses RGR. – Très performantes (elles peuvent imprimer 20 000 feuilles/heure), ce sont des presses TD3 « améliorées ». Elles possèdent, en plus d’un cylindre d’impression « haute performance» (800 timbres par tour), un élément d’impression typographique servant à imprimer, en surcharge, des barres phosphorescentes. Pour l’instant, ces presses n’ont servi qu’à l’impression de timbres d’usage courant, monochromes.

Actuellement, deux presses RGR (RGR 1 et RGR 2) sont en service à l’Imprimerie des timbres-poste.

La perforation s’ effectue à l’emporte-pièce et, depuis 1985, à l’« arraché », par meulage du papier.

Les presses TD6. – De conception plus récente que les TD3, les presses TD6 comportent deux groupes d’impression, chacun amenant trois couleurs au maximum.

-Un groupe report

Dans ce premier groupe, le cylindre d’impression reçoit trois couleurs différentes, par l’intermédiaire de trois rouleaux toucheurs. Mais, à la différence de ce que nous avons vu précédemment, il n’imprime pas directement ces couleurs sur le papier. C’est un cylindre, de même développement, en plastique, qui reçoit ces couleurs et les reporte sur le papier. Cette étape ne requiert pas d’humidification préalable du papier. L’impression est donc plate,

« sans relief », proche de la typographie, ou plutôt de l’offset : c’est une teinte de fond.

-Un groupe direct

Ce deuxième élément est un groupe TD3 classique. Par l’intermédiaire d’un deuxième cylindre, métallique, il imprime directement ses trois couleurs sur la bande de papier ayant déjà reçu l’impression « report ». Cette étape nécessite, bien sûr, l’humidification préalable de la bande de papier déjà passée sous le groupe « report ».

Contrairement aux TD3, les TD6 ne nécessitent pas de papier anti-macule car elles sont pourvues d’un dispositif de séchage automatique des encres.

En fin de chaîne, les feuilles sont perforées (à l’emporte-pièce), numérotées, datées et découpées.

Cette technique, ingénieuse, permet ainsi d’imprimer jusqu’à six couleurs, sans compter les « nuances » rendues possibles par la superposition des impressions « report » et « direct ».

Les presses TD6, plus performantes, ont donc rapidement supplanté les TD3. Actuellement, presque tous les timbres d’usage courant sont imprimés sur TD6 (avec l’élément« direct » seul).

Les variétés de cliché

Comme nous l’avons vu, le cliché – ou virole – est la partie imprimante du cylindre. De ce fait, il est tout à fait normal qu’un usage intensif de ce dernier génère des variétés dites « de cliché » : il en existe plusieurs catégories, mais elles sont toujours« constantes», c’est-à-dire qu’elles se retrouveront régulièrement aux mêmes « cases » tout au long d’un tirage.

Les griffes. – Ces tailles verticales, de dimensions variables, proviennent généralement de particules de chrome, issues du cliché, qui, en s’implantant dans l’essuyeur, « rayent » le cliché. Le diamètre du cylindre essuyeur étant égal au tiers de celui de la virole, les griffes se reproduisent toute les 11 hauteurs de timbres.

Les points. – Ce sont des enfoncements ponctuels du cliché par de petits corps étrangers parasites, de forme variable, mais généralement circulaire. Ces variétés n’affectent qu’une seule case du cliché, le corps étranger ayant été projeté directement sur ce dernier.

Les balafres et les retouches. - Contrairement aux précédentes, ces variétés affectent un cliché lorsqu’il est déchromé (le déchromage est une opération électrolytique complexe entreprise pour éliminer une « griffe » par exemple) : pendant cette période, le cliché, mis à nu, est particulièrement vulnérable.

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– Les balafres sont dues au contact accidentel d’un objet dur, directement sur le cliché. Comme les « points », ces variétés n’affectent qu’une case du cliché et sont d’aspect très variable (1).

– Les retouches sont rarissimes en taille-douce. Elles sont le fruit d’ un acte volontaire : l ‘imprimeur a rectifié – légèrement – le graphisme d’une case (à la pointe à tracer) pour réparer une usure du cliché due à un brunissage trop poussé.

Les variétés que nous venons de décrire n’apparaissent qu’avec le temps et l’utilisation plus ou moins intensive du cliché. Il existe aussi des variétés qui se produisent lors de la confection du cliché :

02Les re-entries (ou doubles frappes). – Malgré tout le soin apporté à l’étape de transfert, il peut se produire un léger glissement de la molette courbe (image en relief) contre la virole, entraînant ainsi un doublement partiel ou total des tailles. A l’impression, le graphisme du timbre-poste sera plus ou moins « doublé », alourdi, d’où l’appellation de double frappe. Le re-entry est l’exemple type de la variété constante, il est caractéristique d’un cliché donné. Attention: l’appellation «double impression »est incorrecte. Il n’y a bien qu’une seule impression,… mais doublée ! (2).

0304Les défauts de chromage. – Afin d’être fonctionnel et protégé, le cliché doit être chromé. Cette opération s’effectue par électrolyse. Un chromage défectueux entraîne des variétés caractéristiques qui subsisteront tant qu’une opération de correction (déchromage-rechromage) n’aura pas été effectuée. (3 et 4).

 

Les variétés d’impression

Les encres utilisées en taille-douce sont généralement grasses et épaisses. C’est un mélange hétérogène de pigments colorés, de liant, de siccatif et de solvant.

Les nuances de couleurs. – Comme en typographie, elles sont fort nombreuses ; mais rares sont celles cataloguées.

Les erreurs de couleur. – Ces erreurs accidentelles, rarissimes en taille-douce, sont de véritables variétés. Il ne faut pas les confondre avec des tirages spéciaux ou des essais dentelés, internes à l’imprimerie, et, habituellement, non vendus.

Récemment un tel essai interne a été mis en vente, par erreur : c ‘est le fameux « Thermalisme rouge » !

Les erreurs de couleur sont le plus souvent dues à des inversions d’encriers ou à un choix erroné des encres.

Les défauts d’essuyage. – L’étape d’essuyage du cliché est une phase-clé. Elle est réalisée, en taille-douce rotative, par l’essuyeur. Ce cylindre agit comme un «rasoir» pour enlever l’excès d’encre qui déborde hors des tailles. Si le réglage est correctement effectué, l’essuyeur ne laissera subsister l’encre que dans les tailles du cliché.

Si l’essuyage est trop «poussé», il vide (plus ou moins) les tailles de leur encre, préalablement déposée par le (ou les) rouleau(x) toucheur(s). Suivant les cas, on obtient :

– des petits défauts d’encrage : filets brisés, légendes incomplètes, taches blanches, etc. Ces variétés, inconstantes, sont relativement courantes et inhérentes aux contraintes de l’impression en taille-douce ;

– des impressions dépouillées : elles apparaissent quand l’essuyage est vraiment excessif. Leur aspect spectaculaire est directement proportionnel à l’excès d’essuyage ! On obtient ainsi des impressions défectueuses, pâles, dites « dépouillées ».

05060708Si, au contraire, la pression exercée par l’essuyeur est trop faible, voire inexistante, nous entrons dans la catégorie des sur-encrages. L’encre en excès n’étant plus éliminée, elle macule le papier. Ces maculations accidentelles, plus ou moins intenses, peuvent affecter une ou plusieurs couleurs. La plus spectaculaire est la maculation totale, toute l’image est « noyée » par l’excès d’encre (5 à 8).

L’absence d’une couleur. – Ces variétés, rares et spectaculaires, sont très recherchées ! Elles sont dues à l’assèchement d’un des multiples encriers.

09- S’il s’agit d’un encrier alimentant un groupe « direct », on obtient une impression dite « à sec », caractérisée par l’arrêt de l’encrage des tailles ; seul le relief est présent, la couleur étant absente. L’impression à sec peut être totale ou partielle, suivant l’insuffisance d’encrage. Le plus souvent, elle se rencontre en bande, du timbre normalement imprimé au timbre imprimé à sec (9).

10- Si, au contraire, c’est un encrier alimentant le groupe « report », qui n’est plus approvisionné, c’est différent: la couleur est omise, mais il n ‘y a aucune trace d’impression à sec (10).

11Les variétés provenant d’une mauvaise découpe des rouleaux toucheurs. – Ces rouleaux sont découpés manuellement, case par case. Si la découpe laisse à désirer, un ou plusieurs détails de la figurine ne seront pas encrés : ils n’apparaîtront donc pas à l’impression ou apparaîtront imprimés à sec, suivant que le toucheur encre un groupe « report» ou un groupe « direct » (11).

Variétés provenant d’un mauvais repérage de couleurs.- L’impression en polychromie est complexe. Elle nécessite un parfait repérage des différentes couleurs. En TD3, ces variétés sont causées par un mauvais découpage des rouleaux toucheurs et n’affectent, généralement, que des détails du timbre.

Les décalages seront encore plus nets si une mauvaise découpe des rouleaux toucheurs s’ajoute à cet asynchronisme ! Le repérage des couleurs est contrôlé par un servomoteur relié à une cellule photoélectrique. Celle-ci effectue la lecture d’un trait de repère.

Le servomoteur régule ainsi les vitesses des différents cylindres d’impression afin d’obtenir un parfait repérage des différentes couleurs. Toute déficience de ce système de contrôle entraîne des variétés de repérage, quelquefois fort spectaculaires…

 

Les variétés d’encrage

Si un encrier vide donne une couleur absente, un encrier plein peut être également une source de variétés !

12Il arrive très rarement, par erreur ou inattention, qu’une encre destinée à un encrier donné soit déposée dans un autre encrier. Si ce dernier est en partie rempli, le « mélange » donne alors une nouvelle teinte (12).

On rencontre également des timbres qualifiés d’« unicolores ». Ces très jolies pièces ont pour origine une erreur d’encrage flagrante: les encriers ayant été alimenté avec la même encre, le timbre est unicolore.

L’unicolore le plus célèbre est, sans nul doute, le 0,50 «Pierre Larousse ». Le timbre type est bistre et violet. Une infime partie du tirage a été imprimée, par erreur, en violet : rarissime !… Car presque tous les exemplaires rencontrés sont des truquages. Il existe, en effet, un réactif permettant de transformer la couleur bistre de l’effigie et des inscriptions… en violet. Le résultat est étonnant ! Les faussaires l’ont fort bien compris : c’est certainement le truquage le plus répandu sur le marché philatélique… 99 % des « Larousse unicolore » ne sont pas originaux.

 

Les variétés de surcharges

Contrairement aux timbres-poste typographiés, ceux gravés en taille-douce ont moins souvent fait l’objet de surcharges. Il en existe trois types :

– Les surcharges typographiques. Elles ont pour but de modifier la valeur faciale du timbre ou de commémorer un événement spécial : ce sont les moins fréquentes.

Les principales variétés rencontrées sont des variétés d’impression, notamment en typographie à plat.

– Les surcharges de barres phosphorescentes (BP). Ce sont les principales surcharges es timbres gravés en TD.

Depuis 1969, pratiquement tous les timbres d’usage courant portent, en marge, un, deux ou trois BP.

Ces barres servent à :

– faciliter le redressage des correspondances ;

– séparer les plis urgents et non urgents dans les centres de tri.

Il existe quatre types de BP (A, B, C, D). Elles sont imprimées en flexographie (A, B, C) ou en typographie rotative (D). Très nombreuses, les variétés de BP peuvent être causées par :

13- un manque d’encre phosphorescente (encrier vide ou problèmes divers d’encrage…) : on obtient des timbres avec BP partielles, défectueuses, voire sans BP (13) ;

– des décalages verticaux et latéraux des BP. Les premiers occasionnent des BP dites « à cheval ». Ils sont dus à un asynchronisme du cylindre d’impression des BP par rapport à la bande de papier imprimé.

En revanche, si l’asynchronisme est maximal, une rangée horizontale est non surchargée : les timbres sont sans BP. Par compensation, les bords de feuilles supérieurs et inférieurs sont surchargés.

Les décalages latéraux, quant à eux, sont dus à un déplacement de la bande de papier par rapport au cylindre d’impression des BP. Suivant l’intensité de ce déplacement, on obtient des timbres avec 2 1/2 BP, BP à gauche, au centre, etc. Ces décalages génèrent ainsi des états de phosphorescence « se tenant », recherchés et dûment répertoriés par les spécialistes.

14- Les surcharges typographiques de numéro comptable au verso des timbres. Depuis 1963, les timbres de « roulettes » portent au verso un numéro, vert puis rouge, tous les cinq ou dix timbres. Ce numéro est imprimé en typo-rotative. Il facilite les « arrêtés comptables » des préposés. Les deux principales variétés que l’on peut rencontrer sur ces surcharges sont des numéros déplacés (voire « à cheval ») et des numéros multiples (14).

 

Paru dans Le Monde des Philatélistes n° 484 – Avril 1994

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