Two Pence bleu Europe, Grande-Bretagne, Pays G-N

Une

Il était prévu d’ émettre simultanément , le 6 mai 1840, le timbre de One Penny (le Penny Black) (1 d, tarif jusqu’à 1/2 once) et le timbre de Two Pence pour le tarif jusqu’à 1 once. Mais la planche du 2 d n’est terminée que le 1er mai. Elle est mise sur presse, sans avoir été cémentée. Ce n’est que le 6 mai que les six cents premières feuilles sont distribuées dans les bureau x de Londres.

Cependant, dix-huit feuilles ont été livrées au General Post Office (GPO) le 5 mai. Les timbres de ces feuilles accompagnent une circulaire adressée aux receveurs, le 7 mai, pour leur annoncer la parution de ce nouveau timbre. Ce document comporte deux exemplaires du timbre de 2 d, ainsi que deux exemplaires du Penny Black « VR », prévu pour les courriers officiels, mais qui restera non émis.

01Le bloc du 2 d est obtenu à partir d’une molette modifiée, tirée du bloc original à 1 d gravé parHeath. L’inscription « One Penny » est remplacée par « Two Pence ». La planche présente la même disposition que celle du Penny Black : deux cent quarante timbres en vingt rangées de douze. Les lettres du même alphabet (Alphabet 1) sont également poinçonnées dans les angles inférieurs des timbres : AA-AL… jusqu ‘à TA-TL. Les inscriptions dans les marge de la feuille deviennent : «prix 2 d par timbre. 2/ par rangée de 12. £ 2 par feuille… (1).

Cette planche, la n°1 , est enregistrée le 2 mai. Pour chaque nouvelle planche d’impression fabriquée, on envoie pour vérification au Bureau du timbre, à Sommerset House, trois ou quatre des premières feuilles imprimées. Une feuille est conservée en archives, c’est « l’imprimatur » ; les autres sont généralement remises en circulation. Ces feuilles d’impression sont maintenant conservées au National Postal Museum de Londres. Sur la plupart de ces feuilles, il manque des timbres dans les premières rangées du haut ou du bas ; ceux-ci ont été prélevés officiellement pour différentes raisons, le plus souvent pour être remis à des personnalités. Ces spécimens, que l’on appelle des « imprimatur », sont parfaitement répertoriés, puisque l’on connaît les combinaisons de lettres qui manquent sur les feuilles. Il s’en rencontre assez fréquemment dans les grandes ventes, où ils sont très recherchés. Or il se trouve que la feuille d’imprimatur de la planche 1 du 2 d n’a pas été conservée.

Même papier…

Le papier du 2 d est le même que celui du Penny Black, avec le filigrane « petite couronne ». Les deux cent quarante éléments de ce filigrane sont formés à la main en partant de fil de laiton très fin; ils sont ensuite fixés à leur place dans la forme de fabrication du papier. Ces petites couronnes se présentent donc avec de petites différences. L’impression et le gommage des timbres sont assurés dans les mêmes conditions par Perkins, Bacon & Petch.

02La couleur du nouveau timbre est bleue (2). Mais, alors que la tonalité du Penny Black est relativement constante (le noir intense obtenu sur une planche neuve tire seulement vers le gris lorsque la planche est usée) , le bleu du 2 d présente un nombre considérable de variétés de nuances, qui vont du bleu clair (3) au bleu foncé, du bleu vif à un bleu terne, du bleu verdâtre au bleu violet… Elles font l’attrait de la collection de ce timbre. Le pigment de l’encre est un mélange de bleu de Prusse et de blanc de zinc. La qualité des matières premières et un manque de précision dans les proportions sont probablement la cause de ces variations.

03Deux planches seulement, la 1 et la 2, ont imprimé ce timbre, que l’on connaît sous les noms de « N°2″ (catalogue Yvert, pour les Français), « 2 d 1840″ ou « 2 d sans lignes », par comparaison avec les émissions suivantes qui comportent une ligne blanche au­dessus et en dessous de l’effigie.

La planche 1 a imprimé près de dix-sept mille feuilles de 2 d (les chiffres varient de quelques centaines suivant les sources). C’est dans la production de cette planche que l’on trouve le plus de variétés de nuances : bleu laiteux, bleu violet, bleu acier, bleu brillant…

On rencontre sur cette feuille quatre « reentries » (double frappe : ou double report), sur les timbres AH, DJ, ED et NC, ainsi qu’un certain nombre de variétés constantes.

La planche 2, terminée le 18 juillet, est mise sur presse le 27. Elle est enregistrée quatre jours plus tard, mais, comme pour la planche 1, la feuille d’imprimatur est manquante. On ne connaît d’ailleurs pas de spécimens pouvant provenir de telles feuilles dans les collections publiques ou privées.

La planche 2 comporte deux reentries, sur les timbres QL et TA, ainsi qu’un certain nombre de variétés constantes : lettres doubles, etc.

04-06On peut distinguer assez facilement les timbres de ces deux planches : ceux de la planche 1 ont dans l’angle supérieur gauche la ligne verticale du cadre très faible, jusqu’à disparaître complètement sur certains exemplaires (4). Sur la planche 2, cette ligne est très marquée. Elle a dû faire l’objet d’une retouche.
Sur tous les timbres de la planche 2, les « rayons » supérieurs de l’ornement de l’angle supérieur droit sont raccourcis, surtout le rayon vertical (5). Sur la planche 1, seuls les vingt-trois derniers timbres de la feuille (SB à TL) présentent la même particularité. Tous les autres ont des crayons normaux, le rayon vertical étant même nettement prononcé.
Un certain nombre de timbres de la planche 1 montrent dans l’inscription du bas les lettres T et W jointives et le O entamé en haut et à droite (6), mais cela n’est pas toujours net.
Les impressions usées proviennent de la planche 1, qui n’a pas été cémentée, alors que la planche 2 a été normalement durcie avant d’être mise sur presse. Celle-ci n’a d’ailleurs imprimé que dix mille six cents feuilles environ.
La première date d’utilisation connue du timbre de 2 d (planche 1) est le 9 mai 1840, sur un fragment.
La première enveloppe complète date du lundi 11 mai (coll. SFC). Celle-ci sera présentée en cour d’honneur à l’exposition « London 90″.
La première date connue de la planche 2 est le 18 août 1840.

07Les timbres de la planche 1 sont généralement oblitérés de la croix de Malte rouge. Ceux de la planche 2 ont normalement la croix de Malte noire (7, coll. SFC), plus rarement rouge.

08On connaît de ces timbres quelques rares utilisations tardives, comme cette lettre portant une splendide bande de trois timbres de la planche 1, avec l’oblitération « numeral » de 1844, numéro « 859 » de Wellington (Salop) (8, coll. SFC) L’appellation d’époque de ce comté peut paraître choquante (!)… Elle est remplacée aujourd’hui par le nom moderne de « Shropshire ».

On peut citer aussi un exemple unique, qui regroupe sur la même enveloppe les trois premiers timbres du monde : le Penny Black, le 2 d bleu et le 1 d brun-rouge (9). Cette lettre a une histoire.

Elle fait partie de la « Correspondance Lauderdale » : à cette époque, John Ormiston, régisseur du château de Thirlstane, à Lauder, en Ecosse, envoie chaque semaine à son maître, le comte de Lauderdale, à sa maison de Dunbar, l’état des comptes du domaine. Le document pèse près de 1 once et la lettre est affranchie avec un timbre de 2 d bleu. Elle est postée à Lauder le 7 juillet 1841 . Mais le comte a quitté Dunbar pour Dunse et quelqu’un de sa maison, peut-être son secrétaire, fait suivre le courrier, qui doit alors être affranchi à nouveau pour ce deuxième parcours. Il colle sur l’enveloppe son dernier Penny Black, périmé, mais toujours valide, et un

1 d brun-rouge, en cours à cette date, composant cet extraordinaire affranchissement tricolore.

09-11Extraordinaire

Mais cette histoire va plus loin. Bien qu’elle ne concerne pas le timbre de 2 d, elle mérite cependant d’être contée. Le même jour, Ormiston envoie au comte une autre lettre contenant d’autres éléments de comptabilité. Sans y voir malice, on peut subodorer sous cette deuxième lettre un effet de l’esprit d’économie des Ecossais. Ajoutée à la première lettre, celle-ci aurait dépassé une once et payé 4 d de port. Envoyés séparément, l’une ne paie que 1 d (moins de 1/2 once) et l’autre 2 d (moins de 1 once), d’où une économie de 1 d… indépendamment des frais de réexpédition, car les deux lettres ont voyagé de conserve et suivi le même circuit. Celle-ci, postée aussi à Lauder, est affranchie avec un 1 d brun­rouge. Arrivée à Dunbar, elle est également réexpédiée sur Dunse, après avoir été affranchie à nouveau avec un autre Penny Black. Or il se trouve que ce timbre, avec les lettres NK, a été découpé de la même paire verticale que le Penny Black, lettres OK, de la première lettre. Etonnant… non? (10).

Pour extraordinaires qu’elles soient, ces deux lettres sont parfaitement normales et correspondent aux tarifs en vigueur. Il existe une lettre, du 14 juin 1840, affranchie avec un Penny Black et un 2 d, soit 3d, ce qui ne correspond à aucun tarif (11, coll. SFC). L’explication est que cette lettre pesait plus de 1 once et aurait dû normalement être affranchie à 4 d. Elle a d’ailleurs été taxée en conséquence de deux fois le manque d’affranchissement : cachet « More to pay » et inscription manuscrite « 2 d more to pay/above 1 ounce ». Cette lettre est aussi invitée en cour d’honneur à « London 90″.

Comme pour le Penny Black qui a dû passer au brun-rouge, le problème du lavage de l’oblitération se pose pour le 2 d. Des essais sont faits également pour cette valeur. Deux blocs sont préparés pour ces essais, en octobre 1840, comportant deux timbres l’un au-dessus de l’autre. Par chance, on trouve une encre bleue qui résiste moins bien au lavage que celle du 2 d de 1840. La couleur du timbre ne sera donc pas changée, mais pour distinguer les nouveaux timbres des précédents, une ligne blanche est ajoutée au-dessus et en dessous de l’effigie, ce qui donne le « 2 d avec lignes », qui sera imprimé par la planche 3 et les suivantes

12Comme celles-ci ne sont pas encore prêtes (la 3 ne sortira que le 25 février 1841) , on prépare, le 15 janvier 1841, une petite planche de douze timbres. Elle sert à imprimer des spécimens qui seront joints à une circulaire destinée à informer les receveurs de la sortie du timbre modifié. Cette planche de douze, exécutée en urgence, ne comporte pas de lettres dans les angles inférieurs des timbres (12). Le papier de ces timbres est sans filigrane et non gommé. Ils ne sont pas destinés à l’affranchissement, mais on en connaît quelques rares exemplaires qui sont passés par la poste (13, NPM).

13

J’avais omis de préciser que le Penny Black, comme le 2 d, sont des timbres non dentelés. Ce n’est qu’en février-mars 1854 que les timbres anglais seront émis avec une perforation.

L’appellation d’époque de ce comté peut paraître choquante (!)… Elle est remplacée aujourd’hui par le nom moderne de « Shropshire ».

04-06

Paru dans Le Monde des Philatélistes n° 438 – Février 1990

Two Pence bleu
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Recent Comment

  1. MICHELE FAVEREAUX

    Bonjour.
    J’ai une modeste collection de timbres, dont certains anciens et quelques uns très anciens. J’ai trouvé, dans celle-ci, un Two Pence Bleu semblable à ceux ci-dessus. Je ne vois pas avec précision le filigrane, car un petit bout de papier collé au dos le cache en partie et je ne veux risquer d’abimer le timbre en l’enlevant. Par ailleurs, sur le mien, il figure une lettre à chacun des 4 coins alors que je n’en vois que 2, en bas des timbres sur vos exemplaires et des dessins sur les deux coins du haut. Pouvez-vous m’éclairer quand à la date d’édition de ce timbre et à sa valeur potentielle ? Merci d’avance pour votre réponse. Cordialement. Michèle FAVEREAUX.

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