Quand la Poste se met en cartes Divers, France, Monaco, Andorre

Une

Les premières éditions touristiques à l’image de la tour Eiffel toute neuve, une riche période où les cartes se passionnent pour la publicité et flirtent avec les Entiers

Legende

 

 

Décorée dans un style qui n’avait rien de réglementaire,
une carte privée de la « Sténographie Duployé ».  »
Toutes les personnes qui enverront à M. Duployé la traduction
en acte de cette phrase recevront gratuitement pendant trois jours le journal
le Stenographe », dit le texte côté correspondance. Les « mailings »
et leurs jeux­concours ne datent pas d’aujourd’hui.

 

 

 

En 1871, la paix était définitivement signée. La France perdait l’Alsace et la Lorraine, mais la vie continuait. Le député Louis Wolowski demanda la création d’une carte postale voyageant à découvert et à tarif réduit. Elle fut créée par la loi des finances du 20 décembre 1872, grâce à l’appui du directeur général des Postes, G. Rampont.

01-0203-040506On connaît, à quelques exemplaires, plusieurs essais préliminaires. Ils sont d’inégales valeurs, leurs cotes variant de 1000 à 4500 F (1 à 3). Il y eut même des essais de timbres spéciaux pour la carte postale. Ils existent en noir ou rouge et valent environ 500 F pièce (4). Le grand public fit un triomphe à ces cartes, dont sept millions d’exemplaires furent débités dès la première semaine. Premier jour de vente : le 15 janvier 1873. Format : 120 x 78 mm. Il y avait deux modèles : l’un à 10 c pour les correspondances locales (dans la circonscription du même bureau 5), l’autre à 15 c pour les cartes circulant de bureau à bureau (service interurbain 6). Les cartes étaient fabriquées soit à l’imprimerie nationale soit dans des imprimeries privées agissant pour le compte des postes.

En 1876, un modèle unique pour tous tarifs fut adopté (7). On connaît en tout de très nombreux types qui se sont succédés de 1873 à 1878. Leur prix moyen est de 30 F, mais certains tirages plus recherchés par les spécialistes peuvent atteindre les 600 F.

07-08On recherche, en particulier, une carte non émise de décembre 1876, témoin d’une tentative de baisse des tarifs qui échoua (8). La carte porte les mentions 5c et 10c au lieu de 10c et 15c. Elle cote environ 300 F.

09Les nouvelles cartes étaient bien austères et des commerçants se mirent à les illustrer pour les rendre plus gaies. Ces cartes dites repiquées, qui sont parmi les plus anciennes cartes illustrées françaises, sont cotées autour de 800 F. La plus connue est celle où figure le buste de la République sculpté par Francia (9). On recherche aussi le petit calendrier Tucker de 1877 (10 cote environ 700 F).

10Les timbres « entaillés », précurseurs des perforés

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13-14Les cartes postales, qui voyageaient, étaient un support idéal pour la publicité. Deux éditeurs publièrent des modèles portant des réclames au verso (11 à 13). Les cartes étaient vendues dans les bureaux de tabac 5 c au lieu de 10 ou 15 c (la réclame payait la différence). Certains petits malins achetèrent ces cartes pour décoller les timbres et les utiliser à leur vraie valeur sur leur courrier. En guise de parade, les éditeurs confectionnèrent des massicots qui entaillaient les timbres une fois collés ; l’un représente le monogramme « C.A. » (pour carte-annonce 14), l’autre fendait les timbres de quatre entailles parallèles (15). Les timbres ainsi fendus s’en allaient en petits morceaux si l’on tentait de les décoller pour les réutiliser. Cette pratique fut interdite par la Poste le 1er février 1874 : le massicotage était considéré comme une annulation. Les éditeurs abandonnèrent. La carte-annonce ne revit le jour que treize ans plus tard.

15Les documents de cette première période cotent de 1000 à 2000 F. Ceux entrant dans les thématiques à la mode se vendent parfois plus cher.

 Cartes privées : fantaisies en tous genres

161718Les commerçants et industriels firent remarquer qu’il était cher et peu pratique de repiquer ainsi une à une les cartes vendues par la poste. Ils demandèrent accord pour faire imprimer eux-­mêmes leurs cartes et y faire figurer leur raison sociale ou une réclame. Cette autorisation fut obtenue le 26 octobre 1875 : Les cartes devaient mesurer 12 x 8 cm et ressembler le plus possible aux modèles officiels. Bien entendu, chaque éditeur voulut personnaliser sa production. Respectant plus ou moins la réglementation, on vit apparaître des cartes aux couleurs variées (16, 17), avec des frises, des lettres de fantaisie (18). Ces supports servirent à tout : accusé de réception, avis de passage, bons de commandes, publicités, factures, quittances, etc.

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Les plus classiques, celles qui ressemblent aux cartes officielles, se négocient environ 200 F neuves et 400 F oblitérées. Les plus originales (en couleurs, avec frises très ornées) : de 350 à 1000 F. Les rares modèles illustrés : de 800 à 1200 F (19). Celles qui ne respectent pas le modèle officiel : 800 F environ (20). Enfin, il existe des modèles avec coupon détachable, illustrés ou non, qui valent de 1500 à 2000 F (21). Copies des cartes officielles de 1873,ils furent en usage jusqu’en 1898, dans des formats de plus en plus grands (22).

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Premiers Entiers de France

23-24Eh oui : les premiers Entiers de France furent deux cartes postales au type Sage, émises le 1er juin1878 : l’une sur carton violet avec timbre à 10 c noir pour la France et l’Algérie (23), l’autre sur carton vert-jaune avec timbre à 15 c bleu pour l’étranger (24). Elles furent éditées dans le nouveau format 140 x 90 mm adopté par le Congrès postal mondial de Paris.

En 1879, furent créées les cartes avec réponse payée.

252627Le 1er mai 1879, parut la première carte pour la poste pneumatique de Paris : la carte-télégramme (25). Elle portait, imprimé, un 50 c rose au type Sage, sans la mention poste. A partir de 1880, cette carte fut tirée avec une nouvelle vignette, au type Chaplain. Ce type devait connaître une longévité exceptionnelle, puisqu’il allait figurer plus de cent ans sur les pneumatiques de France. On le voit ici sur un modèle de carte avec réponse payée (26) et sur un type avec plan de Paris, édité à partir de 1882 (27).

28En 1883, fut pris un décret autorisant l’impression d’illustrations sur cartes postales. Les particuliers, nous l’avons vu, n’avaient pas attendu cette date pour le faire. La fantaisie devenait maintenant officielle. Une des plus jolies cartes illustrées de cette époque, très recherchée bien qu’elle ne soit pas un Entier, est celle au grand format de la « Sténographie Duployé » (28 cote environ 1500F).

29En 1887, on reprit l’idée des cartes­-annonces vendues à tarif réduit grâce à la publicité. Cette fois-ci, il n’était plus possible de décoller les timbres, comme en 1873, puisqu’il s’agissait d’Entiers. Ces Entiers-annonces pouvaient être vendus à prix réduit et même donnés gratuitement. Seuls les dépositaires annonceurs et les débits de tabac étaient autorisés à les commercialiser au rabais. Les bureaux de poste ne devaient y coopérer à aucun titre. La première série de cartes-annonces fut tirée à 1000 exemplaires (29, cote actuelle : 2500F).

Le succès des Entiers-annonces fut considérable et des centaines de séries différentes de cartes, cartes-lettres (et enveloppes) ont fleuri pendant trente ans.

 La tour Eiffel flambant neuve

En 1889, parut la première série de cartes touristiques illustrées de France. Il s’agit de cinq cartes, dessinées par Léon-Charles Libonis pour l’Exposition universelle de 1889,dont le clou était la tour Eiffel toute neuve.

303132Les cartes étaient imprimées sur les presses du journal le Figaro, au pied de la tour. Les cartes les plus connues sont celles qui représentent le monument dans son entier (30). Elles valent environ 1000 F, avec légère plus-value pour les exemplaires avec oblitération temporaire de l’exposition (31). Les trois autres Libonis sont beaucoup plus rares : le premier étage de la tour (32), les ascenseurs (33), le palais du Trocadéro vu d’en haut (34). Ces trois modèles cotent de 2000 à 2500 F.

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Le succès de ces Libonis fut énorme.

On en tira probablement quelques 300 000 exemplaires. Avec elles, la carte postale sortait de la préhistoire pour entrer dans l’âge d’or. Un âge qui dure encore.

Paru dans Timbroscopie n° 67 – Mars 1990

Quand la Poste se met en cartes
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