Les timbres vus de dos Autres spécialités, Méthodologie

Une

Trop souvent, on ne voit dans le verso des timbres que l’ «envers du décor». Ou, si vous préférez, le revers de la médaille. C’est-à-dire les marques infamantes, les défauts que le. recto, lui, cache souvent.

Vu de face, tel timbre avait tout pour être classé «luxe» : bien centré, couleurs fraîches, toutes ses dents, parfait ! Mais voilà, vu de dos, rien ne va plus : une bonne partie de sa valeur s’envole avec ces maudites traces de charnières, ces plis ou craquelures qui altèrent la gomme, cet «aminci» qui fait apparaître, par transparence, l’effigie du recto, ces petits copeaux de papier qui trahissent le pelurage. Soit, tous ces défauts «vus de dos» existent, et on ne peut pas ne pas en tenir compte pour estimer la valeur d’une pièce – encore qu’ils ne soient pas toujours aussi dévalorisants qu’on le dit.

Mais là n’est pas notre propos. Transformons, si vous le voulez bien, la bouteille à moitié vide en bouteille à moitié pleine. Et parlons du bon côté des choses : de tous ces éléments qui, au contraire des défauts, valorisent le dos des timbres… et leur recto avec. Impossible de leur donner un nom générique : ils prennent les formes les plus diverses, et remplissent des offices qui ne le sont pas moins (lorsqu’ils ne sont pas le fait du hasard). Un véritable inventaire de Prévert, dont nous vous dévoilerons désormais les charmes hétéroclites au fil de chaque numéro.

 

TETE D’IVOIRE

Ici le 1 penny anglais de 1841 (1), petit frère du penny black de 1840, le premier timbre-poste émis au monde. Le cadet possède une étrange variété inconnue sur l’aîné : la «tête d’ivoire» (2). Autrement dit l’effigie de la reine Victoria, qui a traversé le papier pour apparaître sur fond azuré au verso. Un phénomène dû à une réaction chimique provoquée par l’eau acidulée utilisée pour nettoyer les planches en cuivre pendant l’impression. Cote 1250F (900 F sans tête d ‘ivoire).

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Double variété au dos de ce 1 penny rouge-brun de 1854 (3), qui est le même timbre que celui de 1841, mais dentelé et filigrané : la tête d’ivoire non cotée dans les catalogues et l’impression décalée (4).

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BIS REPETITA

Il ressemble à s’y méprendre à notre Cérès national, ce premier timbre grec de 1861 . Même graphisme, même qua1ité d’impression. Pas étonnant : il a été gravé par le même homme, Albert Barre, et tiré au même endroit, à Paris.

Bien sûr, l’effigie – la tête de Mercure – et l es inscriptions diverses font la différence. Mais les chiffres au dos aussi : tous les 10 leptas orange de la première émission (5) portent l’indication de leur valeur au verso (6). Pourquoi ? Sans doute pour éviter qu’on les confonde avec le bistre brun et le rouge carminé de la même émission.

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Car à l ‘époque, les couleurs n’étaient jamais constantes, ni très distinctes les unes des autres : il fallait se limiter aux colorants offerts par la nature – les cochenilles, ces petits insectes volants, servaient par exemple à fabriquer le carmin. Et la fiabilité des couleurs dépendait en grande partie du coup de main du «broyeur» qui, pendant l’impression, rajoutait ici un peu d’huile de lin recuite (le liant), là un peu de laque (le support de la couleur)… Bref, les «chiffres de contrôle» permettaient aux préposés de s’y mieux reconnaître, notamment sous la traîtresse lumière des lampes à pétrole ou des bougies. (Cote du 10 leptas orange avec chiffre 10 : 5700 F neuf, 3750 F oblitéré).

Après le premier tirage de Paris, les planches de Barre sont envoyées à Athènes en 1861 , et les marques de contrôle étendues aux 5, 10, 20, 40 et 80 leptas. Les chiffres sont plus petits, souvent grossiers, chargés de bavures, comme on le voit sur le 20 leptas bleu (7 et 8).

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Les variétés se multiplient aussi : voyez ce 10 I. inversé (9). et non «renversé», car l’ombre est à droite, comme sur les chiffres sans erreur.

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PRIERE DE RETOURNER…

Une prière, en latin qui plus est ! C’est la seule fois au monde, à notre connaissance, qu’une telle surcharge a été imprimée au dos d ‘un timbre.

Cette prière de Saint-Bonaventure (11) orne les 15 timbres portugais de la série «Saint-Antoine», émise en 1895 à l’occasion du septième centenaire de la naissance du religieux franciscain à Arcella, près de Lisbonne. Cote de ce 200 reis (10) : 650 F neuf, 400 F oblitéré.

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Paru dans Timbroscopie n° 4 – Juin 1984

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