Vignettes de franchise d’Egypte Egypte, Outre-mer, Proche-Moyen Orient

Une

A mi-chemin entre la collection de vignettes non postales et la philatélie, le statut des émissions rondes égyptiennes a suscité de vifs débats. Durant de nombreuses années, ce type de vignettes, dénuées de toute valeur faciale, figurait le plus souvent au dos des enveloppes, ce qui a fait croire à beaucoup de philatélistes qu’il s’agissait de timbres de fermeture.

Cette idée fut renforcée au début des années 20, car la mode était à l’utilisation de ces vignettes pour cacheter les lettres et personnaliser les envois. Durant la première guerre mondiale, l’Empire ottoman utilisait des vignettes de forme ronde pour recacheter les plis qui étaient passés par la censure. Ces vignettes sont de couleur rouge ou verte :

01- Lettre expédiée de Constantinople pour Genève revêtue d’une vignette rouge de la censure (1).

02- Lettre de 1922 envoyée de Constantinople pour Paris, avec au verso une vignette de fermeture de l’administration de la dette publique ottomane (2).

03- Lettre de 1928 partie de Palestine pour Clermont-Ferrand, avec au verso une vignette de fermeture de l’agence de Tiberias de l’Anglo-Palestine Compagnie (3).

Ce n’est qu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale que quelques philatélistes ont poussé un peu plus loin leurs investigations et ont permis de revoir le statut de ces timbres. Albert Harris et, surtout, Ernest Kehr ont été de véritables pionniers dans ce domaine. A partir de leurs travaux, ils ont établi que ces timbres avaient été émis par le gouvernement égyptien à l’intention de tous les bureaux de poste et pour servir d’affranchissement à toute correspondance officielle se produisant entre deux bureaux ou services. Ces vignettes constituaient en fait de véritables timbres de service.

Outre l’aspect philatélique, les vignettes constituent de véritables documents historiques, car elles nous renseignent sur l’influence dont disposait un pays sur l’organisation postale, voire politique. Au regard des libellés, nous trouverons successivement la trace de l’influence italienne puis française, disparaissant à son tour devant les aspirations nationales égyptiennes.

04En 1864, Muzzi, directeur de la « Posta Europea », proposait au vice-roi d’Egypte, Ismaïl Pacha, une réforme postale s’inspirant de ce qui se passait en Europe, à savoir une réduction et une uniformisation des tarifs postaux. Ce projet avait été soigneusement étudié et s’inspirait de ce qui se faisait à la même époque en Italie. On peut ainsi voir les vignettes rouge ou bleu utilisées par l’administration postale italienne pour le courrier administratif, avec au centre les armes de la maison de Savoie (4).

05On connaît quatre vignettes rondes avec des valeurs faciales différentes (10 paras, 20 paras, 30 paras et 1 piastre) au nom du bureau de Mansura. Voici le 30 paras. Boulad d’Hurnières, grand spécialiste de l’Egypte, précisait en 1974 que seules deux séries étaient connues et un collectionneur italien possédait un bloc de 20 pièces de ce 30 paras (5).

En 1864, la « Posta Europea » fit préparer des vignettes de franchise. Les seize bureaux de cette entreprise en furent dotés, mais à la suite du rachat par l’administration égyptienne, ces vignettes ne sont pas connues sur plis ni même oblitérées.

06Cette première émission de 1864 est référencée comme le type I, d’après la classification Kehr (6). Le diamètre est de 39 mm ; impression en noir sur papier de couleur ; inscription dans un double cercle : «Amministrazione…… in Egitto» ; au centre, sur trois lignes : «Uffizio dû.. [nom du bureau]». A noter, pour l’anecdote, que le mot Uffizzio en italien est mal orthographié car il n’y a qu’un seul z.

07En 1865, une deuxième émission fut émise sous l’égide, cette fois-ci, du gouvernement égyptien. C’est le type II (7). Le diamètre est plus petit, 34 mm ; impression toujours en noir sur papier de couleur ; inscription entre deux traits : «Poste vice reali egiziane», suivie du nom de la ville ; le changement le plus important réside dans l’inscription arabe au centre du timbre, qui, traduite mot à mot, signifie : «Poste du gouvernement égyptien».

081867 est aussi l’année de la troisième émission de nos vignettes de franchise référencée comme type III (8) ; le diamètre est de 37 mm ; impression toujours en couleur sur papier blanc ; inscription circulaire : «Poste vice reali egiziane», suivie du nom de la ville, entre un triple cercle formant bordure et un simple cercle intérieur. L’inscription au centre du timbre est inchangée. Il existe deux types à cette émission :

– type (A) : barre à la base du « P », lettre arabe heurtée;

– type (B) : lettre arabe beaucoup plus courbée.

09-10Voici la vignette du bureau d’Abuhommus aux types A et B. (9 et 10)

11-13C’est lors de cette troisième émission qu’apparaissent, la même année, les vignettes pour les bureaux égyptiens à l’étranger. Le premier et le plus célèbre des bureaux à en être doté fut celui de Djedda, en Arabie saoudite. Il fut suivi par celui de Constantinople, cinq jours plus tard, et par celui de Smyrne, le 14 novembre 1867 (11 à 13).

14 15Enfin, toujours la même année, deux vignettes pour les services de la direction générale sont créées. Même type, mais avec, au centre, remplaçant l’inscription arabe «DIREZIONE GENERALE ALESSANDRIA», c’est le type III (a) (14) ; puis la même, sans «ALESSANDRIA» ; c’est le type III (b) (15).

En janvier 1868, une quatrième émission voit le jour. Elle est référencée sous le type IV ; le diamètre est de 39 mm ; impression en noir sur papier de couleur ; inscription circulaire dans un cadre entouré extérieurement de quatre cercles concentriques et intérieurement d’un double cercle. Les lettres sont vides sur fond quadrillé. En bas, nom du bureau en couleur ; sur fond uni, l’inscription au centre du timbre est inchangée, ce qui, traduit mot à mot, signifie :

«Poste du gouvernement égyptien». Il existe deux types à cette émission ; les caractéristiques de ce type sont : le «0» de Poste est rectangulaire et les mots «VICE» et «REALI» sont séparés par un espace de 2 mm.

16-1718-24Le type IV (a) est similaire au type IV. Il se différencie par un «0» de «Poste» ovale ; les caractères sont épais ; le «G» de «EGIZIANE» est pointu comme un C ; voici les vignettes du bureau de Magaga au type IV et IV (a) (16 et 17). C’est avec ce type qu’apparaît la totalité des bureaux égyptiens à l’étranger (18 à 24).

Ces bureaux étaient ouverts dans les principales villes portuaires de la Méditerranée, qui étaient desservies par les navires de la compagnie maritime égyptienne Azzizie Misri Steamship. Parmi les moins courants, ceux de la mer Egée. Dans la partie européenne, Metelino, Volo, Cavalla : ces trois bureaux ont été ouverts le 14 juillet 1870. Dans la partie asiatique, Beyrouth, Jaffa : ces deux bureaux ont aussi été ouverts le 14 juillet 1870. Ces bureaux à l’étranger ne concernaient pas uniquement le pourtour méditerranéen, puisque d’autres bureaux ont fonctionné au Soudan et en mer Rouge. Pour les bureaux soudanais, Suakin, ouvert en novembre 1867, et ceux de la mer Rouge : Massaoua, qui se trouve actuellement en Erythrée, ouvert aussi en novembre 1867.

2526Entre-temps, la direction générale à Alexandrie se dotait de vignettes. C’est le type IV (b) ; inscription circulaire : «DIREZIONE GENERALE», avec au centre une étoile et un croissant avec l’indication ALESSANDRIA (25) ; puis le type IV (c); inscription circulaire : «DIREZIONE GENERALE DELLE R. POSTE EGIZJANE», comportant au centre une étoile et un croissant avec en arabe, au-dessus : «Direction générale» et en dessous «Egypte/officiel» (26).

Entre 1867 et 1871, un certain nombre d’événements politiques auront de nombreuses conséquences sur un plan postal. En 1867, le vice-roi d’Egypte, Ismaïl, est élevé au rang de khédive par le pouvoir ottoman. Cela se traduit par un changement de dénomination sur les vignettes de franchise.

2728-29Entre 1868 et 1869, quelques bureaux de la Compagnie universelle du canal de Suez, repris par la poste égyptienne, ont été dotés de vignettes de franchise. L’un des moins courants est le bureau du kilomètre 83, situé au sud d’Ismaïlia. Cette vignette, oblitérée, est particulièrement rare (27). Ce bureau postal fut ouvert le 16 août 1868 et cessa de fonctionner le 15 novembre 1869, avec la fermeture du chantier. Nous arrivons à l’émission de janvier 1871. C’est le type V. La dénomination : «Poste Vice Reali Egiziane» a laissé place à la «Poste Khedive Egiziane» ; le diamètre est le même que pour les vignettes au type IV ; l’inscription au centre est légèrement différente et peut se traduire littéralement par : «POSTE du KEDHIVE d’EGYPTE»; plus de quatre types seront émis entre 1871 et 1879. Tout d’abord le type V (28). Il se caractérise par une impression pâteuse des lettres arabes. Les mots : «Poste Khedive Egiziane» sont espacés de 2,5 mm. L’année suivante, une nouvelle émission voit le jour; c’est le type V (a) (29). Cette émission se caractérise par des lettres beaucoup plus larges ; la lettre «S» de «Poste» est beaucoup plus élancée.

30-33En 1872, le type V de ces vignettes est retouché deux nouvelles fois. Il s’agit du type V (b) (30), qui se caractérise par un «S» de «Poste» grossier. Certains bureaux ont des vignettes de couleur vermillon écarlate sur blanc. C’est le cas pour le bureau d’Abuhommus (31). Puis du type V (c) (32). Il se caractérise par un «S» de «Poste» très fin et la lettre arabe forme une lettre «E» parfaite. En 1878, le type est une dernière fois retouché ; il s’agit du type V (d) (33).

34La direction générale à Alexandrie procède aussi sur ses vignettes au changement de dénomination. C’est le type V (e) dans la classification Kehr (34).

Inscription circulaire : «DIREZIONE GENERALE DELLE POSTE KHEDEUIE EGIZIANE», avec au centre étoile et croissant avec l’indication «ALESSANDRIA» ; l’inscription circulaire en arabe est une traduction.

35La direction générale des postes fait procéder à de nouvelles émissions de vignettes. C’est le type VI (35). Celles-ci sont plus petites ; leur diamètre étant de 31 mm ; cette émission n’est pas imprimée comme les autres, mais gravée en relief ; il existe deux tirages de cette émission.

3637Dans le premier tirage, le caractère arabe sous le «E» de «khédive» ressemble à une lettre «E» ; dans le deuxième tirage, elle ressemble à la lettre «0» (36) ; toujours la même année, la hiérarchie se dote elle aussi de ses propres vignettes : c’est le type VI (a) (37). L’aspect est similaire au type VI ; seuls le diamètre, 28 mm, et la légende diffèrent ; inscription circulaire : «Poste Khedeuie Egiziane Gabinetto del Direttore Générale» ; il existe là aussi deux tirages de cette émission. Dans le premier tirage, les mots qui forment la légende du bas sont beaucoup moins espacés que dans le deuxième tirage.

La politique de modernisation et de grandeur menée par lsmaïl Pacha a ruiné les finances de l’Etat égyptien. En 1875, Ismaïl Pacha dut vendre à la Grande-Bretagne ses quelque 176 000 actions du canal de Suez. L’année suivante, une commission de la dette publique est imposée par les puissances européennes pour surveiller les recettes fiscales et veiller au remboursement des emprunts faits à l’étranger. Deux contrôleurs (un Anglais et un Français) sont chargés d’équilibrer les revenus et les dépenses de l’Egypte. Ces changements politiques se répercutent immédiatement sur un plan postal. Giacomo Muzzi est contraint de démissionner, pour céder sa place à un Français, Alfred Caillard, qui occupera le poste durant trois ans. Mais, devant cette mise sous tutelle, Ismaïl Pacha abdiquera en faveur de son fils, le 25 juin 1879.

38-39Concernant nos vignettes de franchise, un nouveau dessin mentionnant les bouleversements politiques voit le jour : c’est le type VII de 1879 (38) ; le diamètre est de 35 mm ; l’impression est rouge vermillonné, sur fond blanc ; inscription circulaire dans un cadre entouré extérieurement de quatre cercles concentriques et intérieurement d’un double cercle. En haut : «Postes Égyptiennes», lettres vides sur fond quadrillé. En bas : nom du bureau avec lettres pleines. Au centre : l’inscription arabe est identique au type V, à savoir : «POSTE du KEDHIVE d’EGYPTE»; on peut distinguer deux types de cette émission ; le type (A) : le «O» de «Poste» a le centre large (39) ; le type (B) : le «O» de «Poste» a le centre étroit ; il existe de ce type un second tirage plus empâté.

40La même année, treize bureaux sont dotés d’un nouveau type de vignette identique au type VII. Le nom de la ville est bilingue; c’est le type VII (a) (40).

41En 1880, de nouvelles vignettes apparaissent, similaires au type VII. La dernière ligne de l’inscription arabe est remplacée par le nom de la ville. L’impression est en rouge sur fond blanc. C’est le type VIII (41) ; cette émission présente deux types; les caractères latins mesurent 3,5 mm de hauteur.

42En 1882, ce type a été retouché. Les lettres ne mesurent plus que 3 mm et les lettres arabes qui forment le nom de la ville ont été redessinées; c’est le type VIII (a) (42).

43En 1884, une nouvelle émission voit le jour c’est le type IX (43) ; le diamètre est de 39 mm ; dans le demi-cercle supérieur : «Postes Egyptiennes» en lettres blanches et son équivalent en arabe dans la partie inférieure. Mêmes dispositions pour le nom de la ville.

44Avec la création de nouveaux bureaux, l’administration décide de rationaliser ses vignettes; c’est le type X (44) ; de diamètre légèrement supérieur, 40 mm, le centre est blanc afin d’apposer le timbre à date. Voici une sélection de vignettes.

45Une émission quasiment analogue voit le jour en 1890. C’est le type XI ; identique au type X, il diffère dans sa partie supérieure par des lettres beaucoup plus empâtées. Les légendes française et arabe sont séparées par des rosettes à cinq points (45).

Paru dans Le Monde des Philatélistes n° 535 – Décembre 1998

Vignettes de franchise d’Egypte
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