Désormais, vous ne regarderez plus ces timbres d’un même œil… France, Monaco, Andorre, Sujets généraux

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Au travers des anecdotes qu’il évoque dans sa correspondance avec son ami J. Guiraud-Darmais, Pierre Gandon révèle les circonstances entourant certaines des créations qu’il grava pour Monaco…

Relativement peu connu de la majorité des collectionneurs, Jacques Guiraud-Darmais n’en est pas moins – et de très loin – le plus grand connaisseur mondial de la Philatélie monégasque. Depuis les débuts de son histoire postale, du temps où les postes de la Principauté étaient tour à tour sardes et françaises, jusqu’à l’époque actuelle. Et son savoir, condensé dans trente-six énormes albums, embrasse aussi bien l’histoire postale que celle des timbres, procédés et techniques de fabrication compris, que la marcophilie et même la numismatique, les médailles, bref tout ce qui a trait à l’Histoire de Monaco.

N’allez pas croire pour autant qu’il a abandonné, pour le Rocher sa bonne ville de Mazamet où cet ingénieur chimiste a mené pendant tant d’année une florissante entreprise de chimie appliquée aux textiles et au cuir, les deux grandes industries locales.

Son coup de foudre pour Monaco date des années cinquante. Depuis, il n’a cessé de fouiller, d’analyser (on est chimiste ou on ne l’est pas !), d’étudier toutes les émissions, et dire que celles-ci n’ont plus guère de secrets pour lui est désormais indiscutable.

Membre de la Commission philatélique pour la Collection du Prince, il en connaît toutes les richesses qui seront bientôt accessibles au public dans le cadre du nouveau Musée du Timbre installé dans le récent quartier de Fontvieille.

C’est dans le cadre de l’Académie Européenne d’Etudes postales dont il est membre – comme il l’est du reste de l’Académie de Philatélie – qu’il fit la connaissance de Pierre Gandon. Bien vite une relation d’amitié s’installa entre les deux hommes, d’où échange de lettres, mais aussi d’épreuves d’artiste assorties de commentaires. Aujourd’hui, alors que le cinquantenaire de la Marianne qui porte son nom vient donner un magistral coup de projecteur sur l’œuvre de Gandon, Jacques Guiraud-Darmais fait l’amitié aux lecteurs de Timbroscopie de dévoiler les dessous de la conception de certains timbres monégasques en citant les explications que Gandon avait écrites de sa main pour son ami de Mazamet.

Les voici. Désormais, c’est une certitude, vous ne regarderez plus ces timbres du même œil. Par-delà leurs cotes, bien souvent insignifiantes, ce sont des anecdotes, des tranches de vie d’un grand artiste que vous allez graver dans votre mémoire. En route donc pour ce petit voyage au pays du souvenir.

 1944 – « L’arrivée de Sainte-Dévote à Monaco »

SteDevoteL’épreuve de ce timbre a été tirée seulement à deux exemplaires sur papier à filigrane du Prince Rainier III.

1953 – Edition princeps du « Journal intime des Frères Goncourt » imprimé à Monaco

GoncourtGandon en commente ainsi l’épreuve d’artiste : « Parce que les Frères Goncourt disaient qu’ils étaient « unis comme les doigts de la main », j’ai fait les deux doigts écartés sur les deux lettres E et J. C’est le Prince qui était l’éditeur de ce livre. Sur la maquette envoyée au Prince, je n’avais mis qu’une seule plume. Le Prince a accepté ma maquette mais il demandait d’ajouter une autre plume. « Une plume pour deux, ils vont se battre pour l’avoir, ajoutez une autre plume » et j’ai accepté une deuxième plume. »

1956 – « Exposition philatélique FIPEX à New York »

FipexExplication par P. Gandon : « Cette belle propriété de Louisiane appartenait à la famille Kelly« .

1957 – « Naissance de S.A.S. la Princesse Caroline »

1957A

P. Gandon écrit le 23 septembre 1982 à J. Guiraud-Darmais :
« Cher Monsieur, j’ai été bouleversé par la mort de la Princesse de Monaco.
Elle portait bien son nom car elle était la grâce même, la distinction.
Elle avait donné à la principauté un lustre, un éclat incomparables.
C’est ce visage d’une grande pureté que je vous envoie. j’ai fait cette gravure quelques mois après son mariage.
 »

1957B

Et J. Guiraud-Darmais explique : « Cette splendide gravure qui est là, exposée dans mon bureau, avait été réalisée par Gandon sans but défini, pour le seul plaisir de créer une belle œuvre restituant la beauté d’un très beau modèle. Et il me l’avait offerte en gage d’amitié. Or, notez bien la date de sa lettre, près de cinq ans plus tard, lorsque lui fut commandé un timbre pour la naissance de la Princesse Caroline, il se souvint de ce portrait et c’est de lui qu’il se servit pour réaliser la série de neuf timbres où se retrouve la pureté du visage de la Princesse Grace. »

 

 

 

1960 – « Le palais princier illuminé »

PalaisSur l’épreuve d’artiste, P. Gandon a écrit : « On avait illuminé le palais princier pour que je dessine ce timbre« .

1970 – « Ludwig van Beethoven »

BeethovenEtonnante révélation de P. Gandon au sujet de ce timbre et surtout des circonstances de sa création : « C’est pour Monaco que j’ai fait un portrait de Beethoven,il est même venu poser dans mon atelier parisien, voici comment : nous habitions à Paris, place Furstenberg, dans la maison qu’habitait DELACROIX et, non loin de cette place, il y avait un marchand de moulages dont le moulage de Beethoven. Je suis entré et j’ai demandé si ce moulage avait été pris à la mort de Beethoven. Il me dit : « mais non, ce moulage a été fait de son vivant à l’époque de la 7e Symphonie. » J’ai loué ce moulage, j’ai pris toutes les mesures, toutes les proportions de son visage. Mais l’œil était fermé, il n’y avait pas de cheveux ni d’habit, je suis donc allé au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale voir tous les portraits qui avaient été dessinés de son vivant, j’en ai vu beaucoup, aucun n’avait les proportions du moulage, je puis dire que le mien est ressemblant ! »

1971 – « 4ooe anniversaire de la Bataille de Lépante »

BatailleExplication de l’artiste : « Monaco a participé à la Bataille de Lépante avec Don Juan d’Autriche,
Venise, l’Espagne et Gênes et remporté la victoire contre les Turcs en 1571
« .

1971 – « Baudelaire »

BaudelaireInscrits au bas de l’épreuve, ces mots : « Ce Baudelaire à côté de celle qu’il nommait sa géante parce qu’elle avait deux centimètres de plus que lui ! »

1976 – « Marquise de Sévigné »

SevignePreuve du soin que P. Gandon apportait à la véracité des portraits de ses personnages sur timbre : « J’ai fait aussi il y a peu de temps, un portrait de Madame de Sévigné d’après des documents prêtés par un ami. C’est une Sévigné jeune et très belle.

Ce portrait a été fait d’après des croquis qui ont été dessinés avant son mariage avec le Marquis de Sévigné. »

Paru dans Timbroscopie n° 123 – Avril 1995

 

 

Désormais, vous ne regarderez plus ces timbres d’un même œil…
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