Les timbres enlèvent le haut Autres spécialités, Thématiques

Une

Inventé dans l’Angleterre victorienne, le timbre ne pouvait être qu’un support pudique et respectueux de la morale. Au : fil des ans, il est pourtant arrivé que des dames, déesses allégoriques ou simples mortelles y laissent parfois paraître le bout de leurs seins. De quoi donner l’idée d’une thématique coquine à certains.

Pour bien des hommes, la vie commence par un sein. C’est de cette rotondité merveilleuse que s’écoule le liquide nourricier, sorte d’anti-Jouvence qui conduit le nourrisson aux marches de l’enfance. Si l’allaitement est le propre de tous les mammifères, les humains ont su lui donner une dimension imaginaire, poétique, universelle. Les timbres en témoignent, l’enfant au sein de sa mère demeure peut-être la seule scène qui se passe de commentaire et dont la portée s’affranchit des frontières.

01-0304-07Ainsi, du Burkina Faso (1) au Lésotho (2) en passant par son quasi voisin la Zambie (3) l’Afrique noire offre le visage d’une maman sereine, esquissant un doux sourire au vu de son bébé en pleine action. « Allaiter, c’est aimer », proclame même la République Dominicaine (4) en présentant un petit bonhomme qui, s’il ne sait pas encore lire l’espagnol, se goinfre d’amour maternel. Dans un pays comme l’Algérie (5), où la culture islamique impose aux femmes – sur les timbres comme ailleurs – de masquer leur corps, seul l’allaitement a valu une petite entorse au règlement.

L’Europe, et du même coup les Européennes, n’ont pas été en reste : la Suisse (6) dans le cadre on ne peut mieux choisi d’une série Pour la Jeunesse (Pro Juventute). Mais aussi la France (7) dès 1939,quand le biberon n’avait pas encore ravi la première place au sein. Pourtant, signe prémonitoire, les biberons de la marque française Robert vendus depuis 1888 avaient déjà donné leur nom, en argot, aux seins eux-mêmes, les « roberts »(*).

(*) Une information tirée du dictionnaire…Robert!

08-11

Dès qu’ils ont grandi, les ex petits garçons regardent la poitrine des jeunes filles d’un autre œil. Les seins s’érotisent. Et les biologistes ont beau s’acharner à en faire un caractère sexuel secondaire de la féminité, sans eux, jamais nous n’appellerions cette sirène du Cap-Vert « Madame » (8)… Nostalgiques du paradis perdu, sensibles au charme des beautés indigènes d’Afrique (9) ou de Polynésie (10), les graveurs se sont plu à les mettre en valeur seins dénudés… en leur adjoignant un enfant en bas âge pour tempérer l’audace de la chose. Même les jolies guinéennes de retour de la pêche (11) adoptent des démarches nonchalantes de divas topless.

 Rubens : le voluptueux

12-13Les belles occidentales répugneraient-elles à dévoiler sur timbre leurs avantages mammaires ? Il faut remonter loin, bien loin dans le temps, pour trouver quelques candidates à l’effeuillage… et encore s’agit-il de tableaux. Eve (12) reste la première dans l’Histoire à avoir osé retirer le haut. Tout comme la célébrissime Vénus de Botticelli (13), imprimée à l’envers par le Paraguay elle offre au yeux du collectionneur-voyeur un corps d’adolescente, une poitrine menue qui renvoie non plus l’image de la madone-mère, mais celle plus érotique de la femme-épouse.

14-16Eh oui. Après le pudique Moyen-Age, son art tourné vers le rendu parfait des vêtements, la Renaissance a marqué le retour du corps nu dans la peinture. Du corps féminin, Le Titien, Le Corrège et surtout Raphaël ont fait des toiles admirables, ouvrant la voie au flamand Rubens qui n’oublia,.jamais que le mot « sein » vient du latin « sinus », courbe (14) La mode relancée ne s’arrêtera plus. Les libertins du XVIIIe siècle lui donnèrent une coloration franchement érotique. François Boucher décora bien des boudoirs, à commencer par celui de La Pompadour, influente maîtresse de Louis XV. Tout l’art réside dans la suggestion, la pose, le jeu entre la peau nue et le vêtement (15). Ingres retiendra la leçon : sa Baigneuse, quoique posant de dos et les bras croisés – difficile de mieux masquer ses appas – suscite un léger trouble (16). Au point qu’un chroniqueur philatélique tempêta à la sortie du timbre contre les pornographes qui mettent des images de femmes nues à la portée des enfants ! Une preuve que la pornographie est souvent dans l’esprit de ceux qui croient la déceler.

 Seins… boliques

Sein-boliquesTrès tôt, les timbres de France s’inspirant de la facture gréco-romaine ont représenté des femmes torse nu. Mais dans le type Sage (mal nommé) comme dans le type Blanc, Il s’agissait d’allégories de la Paix ou de la Liberté : la censure morale ne s’appliquait pas. Dès que Marianne, femme symbolique mais femme quand même, fit son apparition sur timbres courants, la pudeur revint au galop : la Liberté de Gandon, par exemple, ne présente que son visage… alors que l’originale peinte par Delacroix s’élance poitrine dénudée et mousquet au poing.

 Touchée en son sein

ToucheeEn 1989, une Polynésienne découvrit sur une enveloppe un timbre la représentant en bikini, en train de promouvoir le coprah. L’Office des Postes avait tout bonnement utilisé une photographie publiée dans un livre sans demander aucune autorisation. Peu encline à voir son Image intime diffusée par milliers d’exemplaires, elle intenta un procès qu’elle gagna. Les timbres furent retirés, mais quatre mois seulement après leur mise eu vente.

 

A quels seins se sont-ils voués ?

QuelsSeins« Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de tels objets les âmes sont blessées Et cela fait venir de coupables pensées ». En une phrase, Tartuffe, faux dévot imaginé par Molière, dévoile son hypocrisie. Il est vrai que « pour être dévot, on n’en est pas moins homme »… Parmi les chanteurs, on se souvient de Maurice Chevalier, sa Valentine, ses « tout petits tétons » qu’il tâtait « à tâtons ». Mais aussi de Brassens, sa Margot qui donnait « la gougoutte à son chat », ou encore sur le marché de Brive-la-­Gaillarde la matrone qui « matraque à grands coups de mamelles tout ce qui passe à sa portée ». Sans oublier Sully et sa maxime à jamais inscrite dans les manuels d’histoire : »Labourage et pâturages sont les deux mamelles de la France ».

 Paru dans Timbroscopie n° 95 – Octobre 1992

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