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C’est un club très fermé. Ses premiers membres ont connu les mousquetaires. Une femme a été accueillie parmi les derniers. Vous y êtes, il s’agit de l’académie française. Comment peut­-on être amené a faire une thématique sur cette institution âgée de 350 ans ? Nous sommes allés le demander a madame C., Puisqu’elle s’est penchée sur le sort philatélique réservé a nos immortels.

Madame C., de Paris, a deux passions : la philatélie et ses petits ­enfants. Entre deux goûters préparés pour ces derniers, elle poursuit les collections de timbres qu’elle leur destine. Une façon originale de faire plaisir a la troisième génération et de se faire plaisir.

«Je ne m’ennuie jamais», m’explique-t-elle dans son grand salon ouvrant sur des pelouses. «Les timbres me permettent de continuer à m’instruire et à m’amuser !».

Comme beaucoup d’autres, Madame C. est entrée en philatélie par hasard. A cause de son fils, cette fois – décidément la fibre maternelle compte beaucoup pour cette dame au chignon gris et à l’allure bon chic bon genre. Un jour, son fils, malade, lui demande un album de découpages. Elle lui ramène un album… de timbres. Et du coup, elle se met à fréquenter pour lui les bureaux de Poste. C’est là qu’elle rencontre un vrai philatéliste qui l’invite aux réunions de son association. «J’étais tellement ignorante à l’époque que j’achetais des timbres par bloc de quatre, mais Je déchirais le coin daté s’il s’y trouvait !…» dit-elle.

Débuts classiques : une collection de France et des colonies françaises. Mais, depuis qu’elle est grand-mère et qu’elle dispose de tout son temps, Madame C. s’est laissée tenter par la thématique.

Alors, pourquoi l’Académie française ? Bien sûr, ce thème ne détonne pas dans le décor feutré qui nous entoure, face à cette vieille dame vouvoyée par ses petits ­enfants. Mais encore ? «J’avais commencé une thématique sur Paris, monument par monument. Arrivée à l’Académie française, j’ai dû entreprendre des recherches particulières. Même le Larousse comportait des erreurs sur les Académiciens !» Le goût de la précision a fait le reste. La voici donc qui écrit à l’Académie pour connaître la liste exacte de tous nos «immortels».

01A tout seigneur, tous honneur :
Richelieu, le « parrain » de l’Académie française.

On lui répond : historique, liste de tous les élus, annuaire des membres actuels.

L’Académie est née des rencontres d’un groupe de lettrés qui se réunissaient à titre personnel pendant la première moitié du XVIIème siècle. Richelieu vit l’intérêt pour l’Etat du soutien d’intellectuels reconnus. Il leur proposa donc sa protection et fonda l’Académie française en 1634. Elle fut officialisée par Louis XIII en 1635.

 

Moins d’un Académicien sur dix a «son» timbre-poste

02On trouve de tout à l’Académie française. Bien sûr, les grandes vedettes du Siècle des Lumières : Montesquieu, Buffon, Voltaire.
Et des scientifiques illustres, ce qui n’a rien d’évident : Pasteur, Claude Bernard, Cuvier.

Les Académiciens sont au nombre de quarante, élus à vie. Lors du décès de l’un d’eux, son «fauteuil » devient vacant. Même lorsque le Maréchal Pétain fut destitué de son siège à la Libération , il ne fut pas remplacé avant sa mort. Nos «immortels» sont désignés d’après le fauteuil auquel ils sont élus. Par exemple, le premier titulaire du «32ème fauteuil» était Claude de Vaugelas, son titulaire actuel Maurice Rheims.

03Mais aussi une série de maréchaux et d’hommes politiques : Juin, Clemenceau, Lyautey, Joffre…

Madame C. a donc classé ses Académiciens par fauteuil, selon l’usage en vigueur sous la Coupole (où siège l’Académie depuis 1805, après avoir tenu ses séances au Louvre). Sur un total de 670 Académiciens, seuls 54 ont eu les honneurs du timbre-poste. Le choix des P.T.T. n’étonnera personne : Racine, Corneille, Colbert, Pasteur, Valéry, Mérimée, etc. Des célébrités, bien sûr. Toutefois, certains des Académiciens qui n’ont pas eu droit à la petite vignette étaient tout aussi connus : pourquoi Leconte de Lisle , mais pas José-Maria de Hérédia ? La Fontaine mais pas La Bruyère ? Parmi les «lmmortels» célèbres «oubliés» jusqu’ici par le ministère des Postes, citons Alexandre Dumas fils, Edmond Rostand, Jules Romains, Charles Perrault (oui, celui des contes !) et, plus près de nous, Marcel Pagnol, Jean Cocteau (il est vrai qu’il eut l’honneur de dessiner un timbre-poste), François Mauriac.

04Ne nous inquiétons pas : bon nombre d’immortels sont tout de même des écrivains : Maurice Barrès, Pierre Loti, Mérimée, Anatole France.

«Le premier timbre français consacré à un Académicien date de 1927», explique Madame C. «Il commémore le centenaire de la naissance de Marcelin Berthelot, élu au 40ème fauteuil en 1901. Les timbres m’ont servi de base pour rechercher une documentation» , poursuit-elle. Il y a effectivement de quoi chercher. Il faut se méfier des homonymes (trois Boileau sont passés sous la Coupole), ne pas confondre Henri et Raymond Poincaré (tous deux académiciens, respectivement scientifique et homme politique, et qui ont chacun leur timbre-poste), savoir que s’il existe un timbre à l’effigie de Richelieu, celui-ci n’est pas académicien . Mais en revanche son petit-neveu, Louis François Armand de Richelieu, maréchal de France, a bien été académicien mais n’a jamais eu les honneurs du timbre-poste.

 

Non dentelés d’abord

«C’est une collection intéressante, grâce à laquelle on apprend beaucoup de choses» , dit encore Madame C. «Elle est abordable pour les jeunes parce que la plupart des timbres qui la composent, modernes, sont peu onéreux. Attention toutefois, beaucoup d’entre eux font partie de séries dont la cote peut atteindre 300 F ou plus et sont plus difficiles à obtenir seuls».

Signalons aux philatélistes séduits par ce thème qu’ils peuvent augmenter la valeur de leur collection en recherchant des non-dentelés. Il en existe pour plusieurs séries comportant des Académiciens, comme celle de 1949 sur six célébrités du XVIIIème siècle, qui en compte trois : Montesquieu, Voltaire et Buffon (la série neuve, 180 F ; non-dentelée, 1000 F).

De quoi allier l’intérêt purement philatélique à l’intérêt culturel apporté par cette vénérable institution qu’est l’Académie française.

05De toute façon, tout ce beau monde se retrouve sous la coupole.

Paru dans Timbroscopie n° 4 – Juin 1984

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