Les timbres revendiquent Amérique du Sud, Outre-mer, Venezuela

Propagande 6. Venezuela-Guyane

La région de l’Essequibo est un territoire qui fait actuellement officiellement partie de la Guyane, mais qui est revendiqué par le Venezuela. Ici comme ailleurs dans le monde en pareil cas, les timbres permettent de porter – cartes géographiques à l’appui – le message et de clamer son point de vue.

Cette région, d’une superficie de 159 500 km2, est délimitée grosso modo par la rivière Cuyuni à l’ouest et la rivière Essequibo à l’est.

Propagande 6. Venezuela-Guyane1 Carte géographique du Venezuela avec la région contestée en rose

La Guyane, qui ne doute pas un instant que cette région fait partie de son territoire, a subdivisé la région en six provinces. Mais au Venezuela, le doute n’est également pas permis : il s’agit simplement de la province vénézuélienne Guayana Esequiba. Cependant, pour ne pas heurter l’opinion internationale, les documents officiels vénézuéliens mentionnent “Zona en Reclamación” 1.

La Guyane est découverte en 1498, mais les premiers établissements européens sont l’œuvre de Hollandais, qui s’y installent à partir de 1616. La souveraineté hollandaise sur la région est formellement reconnue en 1648, par le traité de Münster.

L’administration de la Guyane incombe à la “Nederlandse West-Indische Compagnie” (Compagnie hollandaise des Indes occidentales), qui appelle le territoire Essequibo, d’après le cours d’eau le plus important de la région. Deux nouvelles colonies voisines sont fondées plus tard : Berbice en 1627 et Demerara en 1741.

Les colons hollandais y développent d’importantes plantations, mais doivent de plus en plus faire appel, pour leur main-d’œuvre, à des esclaves noirs importés d’Afrique.

À partir de 1746, les autorités hollandaises acceptent l’entrée de colons anglais, mais dès 1760, le nombre d’Anglais dépasse celui des Hollandais, et ces Anglais, bien qu’arrivés les derniers, cherchent à imposer leur contrôle sur la région. Les Hollandais parviennent encore à résister, avec l’aide de leurs alliés français, mais la Révolution française, suivie des guerres napoléoniennes, va tout changer.

Propagande 6. Venezuela-Guyane2 Guyane britannique, 1931, 100e anniversaire de la fusion
de Berbice, Essequibo et Demerara en Guyane britannique

L’occupation des Pays-Bas par la France à partir de 1795 est pour les Britanniques le prétexte idéal pour occuper en 1796 les colonies hollandaises de la Guyane. Après un très bref retour des Hollandais en 1802, suite à une paix très éphémère entre la France et la Grande-Bretagne – un intermède de moins d’un an – les Anglais prennent définitivement le pouvoir en Guyane, et leur souveraineté sur la région est confirmée en 1814 par la convention de Londres. Les trois colonies hollandaises Essequibo, Berbice et Demerara deviennent des colonies britanniques, qui sont réunies en 1831 sous le nom de Guyane britannique 2.

Mais les événements se succèdent chez les voisins : au début du XIXe siècle, la rébellion éclate au Venezuela, qui est alors une possession espagnole.

Propagande 6. Venezuela-Guyane3 Francisco de Miranda

Propagande 6. Venezuela-Guyane4 Simón Bolívar

Propagande 6. Venezuela-Guyane5 La bataille de Carabobo du 24 juin 1821

Les meneurs de cette rébellion sont d’abord Francisco de Miranda 3, plus tard Simón Bolívar 4. L’indépendance du Venezuela est proclamée le 5 juillet 1811, mais il faut attendre 1821 pour voir la défaite définitive des Espagnols, après la bataille décisive de Carabobo le 24 juin 1821 5.

Le grand rêve de Simón Bolívar est de réunir les nations sud-américaines dans une large fédération, avec les États-Unis d’Amérique comme exemple édifiant.

Propagande 6. Venezuela-Guyane6 Les États-Unis de la “Grande-Colombie”

C’est avec cette ambition qu’est d’abord créée la Grande-Colombie 6, une entité qui regroupe les territoires actuels de la Colombie, du Venezuela et de l’Équateur, mais cet ensemble instable se disloque déjà en 1830, et le Venezuela redevient un pays indépendant à part entière.

Le rêve d’une grande fédération

Dès ce moment, les problèmes avec la Guyane britannique voisine vont se succéder. De plus en plus de colons britanniques vont s’installer à l’ouest de la rivière Essequibo, au grand déplaisir des nouvelles autorités vénézuéliennes.

Au milieu du XIXe siècle, la British Royal Geographical Society commande une exploration détaillée de la région auprès de l’explorateur et naturaliste Robert Hermann Schomburgk. Cette exploration “neutre” a également pour but de fixer définitivement les frontières entre le Venezuela et la Guyane britannique, et Schomburgk dessine ces frontières évidemment à l’avantage de la Grande-Bretagne : l’embouchure de l’Orénoque est indiquée comme la frontière entre les deux pays, ce qui signifie pour la Guyane britannique un énorme agrandissement de son territoire.

Mais le Venezuela continue à considérer la rivière Essequibo comme sa frontière orientale, et cette divergence d’interprétation des frontières va engendrer des conflits incessants entre les deux pays pendant tout le XIXe siècle.

Propagande 6. Venezuela-Guyane7 Carte avec la mention “Guayana Venezolana”

Le 4 juillet 1896, le Venezuela émet une série de cinq timbres, officiellement pour commémorer le 80e anniversaire de la mort de Francisco de Miranda, mais en fait surtout pour bien montrer avec une carte géographique que la frontière orientale du pays était bien la rivière Essequibo 7. La région contestée est d’ailleurs indiquée sur cette carte comme «Guayana Venezolana». Ce n’est qu’après une forte pression internationale que ces timbres sont retirés après quatre mois.

Le Venezuela demande en 1895 l’arbitrage des États-Unis, en s’appuyant sur la vieille doctrine Monroe : « America for the Americans ». Finalement, après d’infinies chamailleries diplomatiques, un tribunal international d’arbitrage propose un compromis nettement à l’avantage des Britanniques : si le Venezuela recevait bien l’embouchure de l’Orénoque et quelques petites portions du territoire, la majeure partie de la région contestée est attribuée par ce tribunal à la Grande-Bretagne. C’est comme par hasard la portion où sont situées les mines d’or…

Le Venezuela, pays pauvre et sans influence, ne fait pas le poids face à la riche et puissante Grande-Bretagne, et ne dispose que de déclarations verbales et de notes diplomatiques ronflantes pour faire valoir ses droits.

Propagande 6. Venezuela-Guyane8 L’entière “Guayana” présentée comme une province vénézuélienne

Entre 1930 et 1937, le Venezuela émet des timbres de poste aérienne 8 avec une carte pour le moins ambiguë : la Guyane entière y est représentée comme une province vénézuélienne, sous le nom espagnol de «Guayana», mais sans la mention «Venezolana»…

Du point de vue de la Guyane

Propagande 6. Venezuela-GuyanePropagande 6. Venezuela-GuyanePropagande 6. Venezuela-Guyane9

La Guyane avait de son côté, en tant que colonie britannique, aussi déjà émis des timbres représentant une carte du pays 9, dont toute la région de l’Essequibo faisait évidemment partie. Mais des documents, découverts après la deuxième guerre mondiale, ont démontré sans le moindre doute que la décision du fameux tribunal international n’était rien d’autre qu’une énorme supercherie de la part des Anglais : des pots-de-vin très élevés ont été versés aux membres de ce tribunal, pour les soudoyer et obtenir un vote favorable. Surtout les Russes se sont laissés corrompre. Ces révélations ont relancé bien sûr les revendications du Venezuela sur ce territoire, surtout après 1962.

Propagande 6. Venezuela-Guyane10 L’indépendance de la Guyane

Pendant ce temps, la Guyane britannique a proclamé son indépendance le 26 mai 1966 10, mais cela ne change pas grand-chose : le Venezuela n’a plus la Grande-Bretagne, mais la Guyane indépendante en face de lui. De longues négociations entre le Venezuela, la Grande-Bretagne et la Guyane ont alors lieu dans une atmosphère détestable qui n’apportent aucune solution. Tout au plus un traité, signé à Genève le 17 février 1966, où il est stipulé que les deux pays sont d’accord pour rechercher une solution pacifique…

Propagande 6. Venezuela-Guyane11 Vieilles cartes géographiques pour démontrer les droits vénézuéliens

En 1965 et 1966, le Venezuela émet une série de trois timbres-poste, trois timbres de poste aérienne 11 et deux blocs, pour souligner ses droits sur la région qu’il réclame. Les timbres portent la mention « Reclamación de su Guayana », accompagnée de vieilles cartes géographiques qui tentent à démontrer que les revendications vénézuéliennes sont historiquement et légalement fondées. Sur les blocs s’ajoutent des textes avec des « arguments irréfutables »…

Ce n’est qu’en 1970 que les deux pays signent un accord, qui «gèle» le contentieux pour 12 ans. Mais déjà en 1981, le Venezuela refuse de prolonger cet accord, qui est en fait plus un simple cessez-le-feu qu’une véritable convention. La tension monte de nouveau, et l’on est à deux doigts de la guerre, quand le Venezuela cède, surtout par peur de la réaction du grand voisin brésilien. Le litige est de nouveau porté devant les Nations-unies, où il est toujours « dormant ».

Propagande 6. Venezuela-Guyane12

C’est pour cette raison que le Venezuela se borne actuellement à indiquer “Zona en Reclamación”, sur tous les timbres représentant une carte géographique émis depuis lors. 12

Propagande 6. Venezuela-Guyane13 Surcharge “Essequibo is ours” sur des timbres fiscaux
employés comme timbres-poste

Propagande 6. Venezuela-Guyane14 Surcharge “Essequibo is ours”

Mais la Guyane ne reste pas inactive non plus : surtout en 1981 et 1982, ils émettent d’innombrables timbres 13, soulignant leurs droits sur la région de l’Essequibo : il s’agit de timbres-poste, de timbres-taxe et de carnets, où des surcharges très peu esthétiques apportent le message « Essequibo is ours » 14.

Guy Coutant

 

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