Poissons d’eau douce et techniques de pêche Autres spécialités, Thématiques

Une

Sur quelque 25 000 espèces de poissons, environ 1 500 – dont moins de 600 d’eau douce – sont représentées sur des timbres.

Un de mes collègues et amis d’Amérique, Victor Springer, a entrepris, il y a une dizaine d’années, de dresser la liste des timbres concernant les poissons, leur pêche ou leur élevage (pisciculture), de 1865 à 1992. Cette recherche s’est concrétisée par un livre, publié en 1995 par l’American Tapical Association (ATA), dans lequel figurent plus de 9 100 timbres (il y en a donc plus de 10 000 à ce jour).

On estime à quelque 25 000 le nombre d’espèces de poissons, dont 1 500 environ sont représentées en philatélie. Les poissons marins occupent un volume d’eau énorme (les océans recouvrent les deux tiers de la surface du globe et leur profondeur moyenne avoisine les 4 000 mètres) comparé au volume très restreint des eaux douces (fleuves et lacs). Pourtant, il y a presque autant d’espèces marines que dulcicoles, et il faut adjoindre à ces dernières les espèces qui migrent d’un milieu à l’autre, qu’elles soient anadromes comme le saumon, qui vient se reproduire dans les torrents, ou catadromes comme l’anguille européenne, qui va pondre en mer des Sargasses, ainsi qu’un certain nombre d’espèces marines euryhalines qui envahissent fréquemment les parties basses des cours d’eau (zones d’eaux saumâtres).

Dans cette lutte pour la représentation philatélique, les poissons dulcicoles souffrent d’un handicap : la plupart sont moins vivement colorés que les poissons marins des régions tropicales, notamment ceux des récifs coralliens, ou de formes moins étranges que celles des poissons des profondeurs marines. Il n’est donc pas étonnant que, sur les 1 500 espèces recensées par Springer, moins de 600 se trouvent dans les eaux douces, de façon transitoire ou permanente.

Un poisson ne vit pas indifféremment en mer ou en eau douce. Pour en comprendre les raisons, il faut prendre en compte la teneur des eaux en sels minéraux. L’eau de mer renferme environ 35 grammes de sels par litre, les eaux douces moins d’1 gramme. Le milieu intérieur des poissons, tant marins que dulcicoles, contient entre 8 et 9 grammes de sels par litre. Un poisson d’eau douce vit donc dans un milieu plus dilué que lui, et il doit retenir ses sels minéraux. Comme il avale de l’eau en se nourrissant et que ses branchies baignent dans l’eau pour y capter l’oxygène dissous pour sa respiration, il doit éliminer de grandes quantités d’eau par ses reins. Un poisson d’eau douce est donc lavé à grande eau en permanence. Le poisson marin, en revanche, vit dans un milieu hypersalé que l’eau de son corps a tendance à aller diluer : il « meurt de soif». Aussi possède-t-il, sur les branchies, des cellules qui éliminent les sels à une concentration supérieure à celle de l’eau de mer, et ses reins rejettent des quantités très restreintes d’urine. Peu d’espèces de poissons sont capables de passer, au cours de leur vie, d’un milieu à l’autre. Les incursions que font certains poissons marins en eau douce se limitent souvent aux zones saumâtres proches des estuaires ou des deltas.

Aristote, premier ichthyologiste

01Les hommes de science qui s’intéressent aux poissons, les ichthyologistes, revendiquent Aristote comme le premier qui a entrepris leur étude. On en connaissait quelques dizaines à son époque, plus de 25 000 aujourd’hui. Il a donc fallu les classer en suivant une méthode aussi objective que possible. C’est le Suédois Carl Linné qui en a donné les bases au XVIIIe·siècle, et, depuis cette époque, on nomme les espèces animales ou végétales sous un double nom latinisé : le nom du genre suivi du nom de l’espèce. Ainsi la perche de nos rivières se nomme Perca fiuviatilis (1).

Nommer est un des problèmes de l’ichthyologie, classer en est un autre. Les espèces les plus proches sont classées dans le même genre. Puis on regroupe les genres les plus proches en familles, les familles en ordres, et ainsi de suite. C’est en suivant une telle classification que j’ai dressé la liste des 581 espèces de poissons (figurant sur des timbres) présentes en eau douce. Près de la moitié appartiennent à cinq familles principales : cyprinidés (91), cichlidés (88), salmonidés (41), characidés (35) et aplochéilidés (31). (Cette liste indicative et celle qui concerne les divers modes de pêche – 290 timbres – seront communiquées aux lecteurs qui en feront la demande au journal.)

02Les plus primitifs des poissons actuels (cyclostomes) comprennent les myxines, toutes marines, et les lamproies, qui sont migratrices. Elles se reproduisent en eau douce et effectuent leur croissance en mer (3 timbres seulement les représentent). Les poissons cartilagineux (chondrichthyens : requins et raies) sont essentiellement marins. On trouve néanmoins une espèce en eau douce, dans le lac Nicaragua, et ce pays d ‘Amérique centrale en a donné une illustration en 1987 (2).

Poissons osseux

03-04Les poissons osseux (ostéichthyens) se subdivisent en dipneustes (3), poissons pourvus à la fois de branchies et de poumons (on les trouve en Australie, en Afrique et en Amazonie – territoires de l’ancien Gondwana – mais seuls les protoptères africains ont été représentés, au total par 8 timbres), en crossoptérygiens (cœlacanthe, espèce marine) et en actinoptérygiens, de loin les plus nombreux en espèces. Parmi ces derniers, citons d’abord les chondrostéens, représentés par les esturgeons et les spatules (4). Ils ont été fréquemment représentés (35 timbres) dans les pays d’Europe centrale et de l’ancienne Union soviétique; la Chine en a donné une très belle série en 1994. Ce sont des poissons migrateurs qui, comme les saumons, viennent se reproduire en rivière. On récolte leurs œufs, dont on fait le caviar. Viennent ensuite les holostéens (5), recouverts d’une couche d’écailles épaisses; ils comprennent les lépisostées américains (3 timbres) et les polyptères africains (2 timbres).

Téléostéens

06Tous les autres poissons sont des téléostéens, nom qui signifie que leur squelette interne est parfaitement ossifié. Nous ne saurions envisager ici d’en citer les divers ordres, et nous mentionnerons plutôt des particularités biologiques pour en donner quelques exemples. Les ostéoglossidés (16 timbres) sont répartis, comme les dipneustes déjà cités, sur les territoires du «continent gondwanien » (6) : les arapaïmas en Amazonie, les hétérotis en Afrique et les scléropages en Asie du Sud-Est (16 timbres).

0708Il est des poissons qui possèdent la particularité d’émettre, grâce à certains de leurs muscles, des décharges électriques (7). On connaît de réputation les torpilles, qui sont des raies essentiellement marines, mais les eaux douces abritent bien d’autres espèces électriques. Certains de ces poissons utilisent leurs décharges pour se protéger des prédateurs et pour déstabiliser leurs proies. Citons le gymnote d’Amazonie, auquel la Guyana a consacré 6 timbres, et un poisson-chat d’Afrique, le malaptérure, auquel six pays d’Afrique centrale ont dédié 7 timbres. Les autres poissons «électriques » émettent des champs électriques faibles, dont ils enregistrent les déformations dues aux obstacles (électrolocalisation) pour « voir » dans les eaux boueuses où ils vivent. La plupart appartiennent à la famille des mormyridés (13 timbres). La République centrafricaine en a donné une belle série en 1971 (8).

0910-12Parmi les poissons migrateurs, les anguilles entrent dans les eaux douces à l’état de civelles, remontent les rivières pour y effectuer leur croissance, puis redescendent vers la mer pour s’y reproduire. Sur les 23 timbres recensés, 18 concernent l’espèce européenne (9). Parmi les migrateurs qui effectuent les chemins inverses, ce sont les saumons qui sont les mieux représentés. Le saumon de l’Atlan tique est représenté sur 63 timbres au moins, souvent en train de lutter pour remonter les courants ou franchir les rapides ou les barrages qui le séparent des frayères où il est né (10). La truite européenne, qu’elle soit migratrice ou confinée dans les rivières ou les lacs, figure sur 69 timbres. Quant à la truite arc-en-ciel, originaire d’Amérique et introduite en Europe dans les années 1880 et dans bien d’autres régions depuis, notamment en Afrique et en Nouvelle-Zélande, elle est présente sur 18 timbres (11). Dans leur ensemble, les salmonidés, avec les saumons du Pacifique, les corégones, les ombles et les ombres, comportent 41 espèces représentées par 222 timbres (12).

13Les eaux européennes abritent de nombreuses espèces (13), comme le brochet (27 timbres), la carpe (108) ou la perche (15). La carpe est l’espèce-type des cyprinidés ou poissons blancs, largement répandus dans toute la zone tempérée. On en compte 91 espèces représentées sur des timbres, eux-mêmes au nombre de 466.

14-15Dans les autres continents, d’autres familles remplacent les cyprinidés, prépondérants en Europe ; ce sont notamment les alestidés, cichlidés, characidés et pœciliidés (14). Les alestidés comprennent de redoutables prédateurs, comme les poissons-tigres africains (23 timbres) et les characidés, les fameux piranha s (17 timbres). Les cichlidés (88 espèces représentées) comprennent les tilapias, source importante de protéines dans les pays tropicaux, et de nombreuses espèces ornementales. Le Kenya a consacré une belle série aux haplochromis en 1996 (15). La Pologne, en 1994, a donné un bon ensemble d’espèces spectaculaires en associant, sur 4 timbres se tenant, un poisson-chat cuirassé (Ancistrus dolichopterus, loricariidé), un scalaire (Pterophyllum scalare, cichlidé), un porte-épée (Xipho­ phorus helleri) et un guppy (Poecilia reticulata), ces deux derniers de la famille des pœciliidés (16). Le Venezuela a également donné, en 1966, deux magnifiques cichlidés (17).

 Elevage et pêche

16-19Les poissons dulcicoles, on ne fait pas que les admirer ou les voir passer, ventre en l’air, du fait de la pollution de nos rivières. On les pêche, pour le plaisir de les ferrer ou pour s’en nourrir, ou on les élève, pour les consommer, pour ensemencer les rivières avant l’ouverture de la pêche, ou même pour le simple plaisir des yeux. Par des sélections répétées, des aquariophiles éclairés ont isolé des races ornementales (18) chez certaines espèces, comme les poissons rouges (Chine populaire, 1960) ou les combattants (Vietnam, 1992).

Les méthodes utilisées en pisciculture peuvent être illustrées par une belle série de la province du Ciskeï en Afrique du Sud (1989) montrant en 4 timbres la fécondation à sec des œufs, les alevins, les juvéniles et l’adulte de la truite arc-en-ciel récemment introduite dans ce pays (19).

2020 Tous les timbres de cette page renvoient à des techniques de pêche.

Quant à la pêche, on peut évoquer les méthodes artisanales africaines – Angola (1992) ; Botswana (1995) ; Gabon (1991) ; Congo (1975), Laos (1963) ou Niger (1982) -, qui utilisent filets, nasses ou harpons (20) et dont les fins sont alimentaires, et les méthodes sportives des pays occidentaux -ex-RDA (1961) ; Australie (1979), Norvège (1984), Pologne (1979) ou Roumanie (1962). Les Etats-Unis en 1991 et la province sud-africaine du Transkeï entre 1980 et 1984 ont même édité des séries de timbres illustrant les diverses mouches artificielles qu’on utilise pour la pêche sportive.

Paru dans Le Monde des Philatélistes n° 534 – Novembre 1998

 

Poissons d’eau douce et techniques de pêche
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