Sous l’impulsion de Charles de Gaulle et d’André Malraux, la modernité et ses réalisations architecturales surgissent sur les timbres de France. Un nouveau regard que la philatélie poursuit depuis quarante ans.

Le timbre du 16 décembre 1996, sur la Bibliothèque nationale de France, l’émission du 3 février 1997, pour le 20e anniversaire du Centre Georges-Pompidou – une institution déjà honorée par une vignette lors de son ouverture en 1977 (YT 1922) ­ s’inscrivent dans une histoire philatélique qui remonte à la première série de 1956 sur « Les réalisations techniques contemporaines» (YT 1078-1080).

Cette série de 1956 installe en France une tradition qui associe à la célébration d’une première scientifique, de l’inauguration d’un ouvrage d’art, d’un établissement scolaire ou encore d’un musée, une émission philatélique.

L’impulsion de Charles de Gaulle

Avant 1956, la philatélie française est essentiellement tournée vers le passé. Elle célèbre le centenaire d’un personnage ou d’une réalisation technique. Elle propose des séries sur des célébrités comme celle de 1949, sur les personnalités du XVIIIe siècle. Les monuments et sites sont les sujets les plus présents sur les timbres. Avant la création de la Ve République, les seules exceptions à cette règle sont, en 1958, les deux grandes séries inaugurales, l’une sur l’Unesco (YT 1177-1178) et l’autre sur la reconstruction des villes (YT 1152-1155). Mais c’est sous l’impulsion du président Charles de Gaulle et de son ministre de la culture André Malraux que les timbres deviennent un reflet de la modernité de la société française.

Avec la création de la Ve République, sur les quelque 1830 émissions de France entre 1959 et 1996, plus d’une trentaine prennent pour sujet l’inauguration d’un ensemble architectural à vocation industrielle, culturelle, religieuse ou de travaux publics.

Cette trentaine de timbres ne prend pas en compte les nombreuses émissions – plus d’une soixantaine – consacrées aux réalisations scientifiques ou technologiques.

Avec quatorze émissions inaugurales sur des créations architecturales, les dix ans de présidence de Charles de Gaulle sont les plus actives de la Ve République. L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle s’ouvre philatéliquement en 1959, par trois inaugurations. Certes, ces réalisations sont antérieures à l’instauration de la Ve République, mais le nouveau pouvoir en reconnaît l’importance en leur donnant un timbre.

Tout d’abord avec le CNIT (Centre national des industries et des techniques) à la Défense (YT 1206) (1). Cet ouvrage est le premier de la mise en chantier de la Défense. Il est aussi l’un des plus remarquables techniquement par sa voûte en béton d’une portée de 238 mètres, alors l’une des plus grandes du monde. Le CNIT symbolise la modernité de ce quartier d’affaires de l’Ouest parisien dont la dernière réalisation surgira trente ans après en 1989, avec l’Arche (2) de l’architecte danois O. Von Spreckelsen (YT 2579 et 2600). Trop rares sont les Salons ou parcs des expositions présents sur des timbres pour ne pas signale r le Palais des congrès de Royan (3) contemporain du CNIT mais reproduit sur un timbre en 1968 (YT 1554).

Toujours en 1959, l’inauguration du palais de l’OTAN (4) (Organisation du traité de l’Atlantique nord) porte Dau phine à Paris (YT 1228). Cet immeuble, œuvre de Jacques Carlu, a été édifié entre 1955 et 1959 pour abriter le siège de l’OTAN. Après 1966, lorsque la France se retire de l’OTAN, le siège de l’organisation est transféré à Bruxelles.

L’immeuble est alors affecté à l’éducation nationale qui abrite depuis l’université Paris-Dauphine.

Les établissements scolaires ou culturels bénéficient de nombreuses émissions de de Gaulle à Chirac. La présidence de Gaulle est marquée en 1965, par la construction de la Maison des jeunes et de la culture à Troyes (5) (YT 1448) et en 1969, par l’installation à Châtenay-Malabry de l’Ecole centrale des arts et manufactures (6) (YT 1614).

Le transfert de l’Ecole polytechnique de Paris à Palaiseau (7) sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en 1977, est l’occasion d’une émission (YT 1936). Sous François Mitterrand, l’Institut du monde arabe (8) à Paris ouvert en 1987, figure sur un timbre en 1990 (YT 2645). Enfin, le dernier grand chantier de François Mitterrand, La Grande Bibliothèque de France à Paris lancé en 1988,inauguré en 1995, fait l’objet d’une émission de 1996 sous la présidence de Jacques Chirac.

Enfin, l’année 1959, est marquée par l’inauguration du pont de Tancarville (9) (YT 1215).

La création de pont est, pour ses quarante dernières années, le thème architectural le plus présent dans la philatélie française. Ainsi du pont de Tancarville à celui de Normandie (10) (YT 2923) en 1995, nous relevons sept timbres se rapportant à ce sujet : en 1966, celui d’Oléron (11) (YT 1489) ; en 1967, le grand pont de Bordeaux (12) (YT 1524) ; en 1968, le pont de Martrou (13) à Rochefort (YT 1564) ; en 1975, pont de Saint­Nazaire (14) (YT 1856) et enfin en 1991, le pont de Cheviré à Nantes (15) (YT 2704).

Signe de la modernité, l’ouverture en 1961, sous la présidence de Charles de Gaulle de l’aéroport de Paris-Orly (16) honoré la même année d’un timbre (YT 1283)… tout comme le sera, en 1974, sous Georges Pompidou, l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy (17) (YT 1787).

En 1963, de Gaulle inaugure la Maison de la radiodiffusion-télévision (18) à Paris (YT 1402). Œuvre d’Henry Bernard, la Maison de la radio possède une particularité unique à Paris : ses sous-sols aménagés en abris antiatomiques, renferment une centrale thermodynamique d’une puissance de 2 000 chevaux qui permet de puiser à 550 mètres de profondeur une eau chaude de 27 degrés Celsius qui assure le chauffage du bâtiment.

Parmi les grands travaux du fondateur de la Ve République figurant sur un timbre : l’inauguration du tunnel routier sous le mont Blanc (19) (YT 1454) en 1965 : long de 11 600 mètres il est à l’époque le plus Long tunnel d’Europe.

Il faut attendre 1994, pour qu’un tunnel soit de nouveau sujet d’un timbre avec celui sous la Manche (20) (YT 2880 à 2883).

La décennie 1960 s’achève avec la mise en fonctionnement en 1966 de l’usine marémotrice de la Rance (21) (YT 1507) et en 1969, du barrage de Vouglans dans le Jura (YT 1583).

La présidence inachevée de Georges Pompidou (1969-1974) voit surgir un thème original et nouveau, centré autour de la philatélie et de la poste avec, en 1970, le transfert de l’Imprimerie des timbres-poste à Périgueux (22) (YT 1643) et en 1973, l’inauguration du Musée postal et de la philatélie à Paris (23) (YT 1782). Ce n’est qu’en 1990 qu’un ensemble de La Poste est à nouveau présent sur un timbre avec le bâtiment postal moderne à Cerizay (24) (YT 2643).

Des zones portuaires aux musées

Sans être réellement des créations mais davantage des aménagements, les activités portuaires ne sont pas oubliées comme en 1973, Le Havre (25), avec l’écluse François-1er (YT 1772) et en 1977, avec les extensions portuaires de Dunkerque (26) (YT 1925).

La présidence de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981) ouvre l’ère des musées en timbre, avec l’émission du Centre Georges-Pompidou Beaubourg à Paris (27) (YT 1922) en 1977. Lancé en 1969 par Pompidou, ce Centre se veut à la fois musée et centre de création.

Le double septennat de François Mitterrand (1981-1995) va honorer à leur ouverture deux musées dont les origines remontent au septennat de Valéry Giscard d’Estaing. Ainsi en 1986, le Musée d’Orsay à Paris (28) (YT 2451). Vouée à la démolition en 1970, la gare d’Orsay, œuvre de Victor Laloux, est inscrite en 1977 à l’Inventaire complémentaire des monuments historiques. En 1978, un établissement public est instauré pour créer un musée consacré au XIXe siècle. Toujours en 1986, l’ouverture le 13 mars, jour du passage de la comète de Halley, de La Cité des sciences et de l’industrie à Paris (29) (YT 2409). Ce projet de Cité des sciences sur le site de La Villette remonte à 1974, après l’échec de l’installation des abattoirs. Les grands travaux de la présidence de François Mitterrand figurant sur des timbres datent de 1989. Tout d’abord, avec les travaux de réaménagement du Grand Louvre illustrés par deux fois avec la pyramide de Pei (30) (YT 2581) et en 1993 lors du bicentenaire du Louvre (31) (YT 2851/2852) ; le 14 juillet 1989, pour l ‘inauguration de l’Opéra Bastille (32) à Paris (YT 2583).

La Nécropole de Fréjus (33), mémorial des guerres en Indochine construite en 1993, a fait l’objet d’une émission (YT 2791). L’autre mémorial, élevé en 1972, à Colombey-les-Deux-Eglises en hommage à Charles de Gaulle, figure sur un timbre de 1977 (YT 1941).

Hormis en 1963, le timbre sur la chapelle de Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (34) (YT 1394 A) élevée, entre 1953 et 1955, par Le Corbusier, la cathédrale d’Evry (35) ouverte en 1995 est le seul édifice religieux contemporain de ces quarante dernières années à bénéficier d’un timbre (YT 2984).

Paru dans Le Monde des Philatélistes n° 514 – Janvier 1997