A la découverte d’un génie : Cheffer (II) France, Monaco, Andorre, Sujets généraux

Une

L’exposition coloniale internationale 1931

Après avoir travaillé dix-sept ans pour l’étranger de 1911 à 1928, Cheffer avait donc fait son entrée à l’Atelier à un moment crucial de la fabrication des timbres de France. Il avait donné deux beaux timbres qui restent des fleurons de toute collection de France. Comme nous allons le voir ce n’était là qu’un début.

Cet éléphant est-il français ?

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C’est la question que l’on peut se poser devant une maquette préparée pour l’Exposition coloniale de 1931 et qui, à côté des mentions RF, porte le mot « Cambodge » derrière le profil d’un imposant éléphant (1).

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Le ministère des colonies avait organisé un concours P.our doter l’exposition de timbres-poste. Au départ, il semble qu’une série était prévue symbolisant chacune des colonies présente à l’exposition. Cheffer avait proposé un éléphant pour le Cambodge et une vue saharienne pour l’Algérie (2).

Aucun des projets du concours ne fut retenu.

Le Comité d’organisation de l’exposition abandonna l’idée d’un timbre par colonie et préféra un sujet unique pour symboliser l’ensemble des colonies.

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Le comité retint une femme noire dite « Femme Fachi », dessinée par Rigal et gravée en typographie par Mignon (3). Le timbre fut mal accueilli, on le compara à une « vignette de pharmacie pour les paquets d’eucalyptus ».

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Pire ; des pressions se seraient exercées : « Une grande puissance ayant la réputation de ne pas aimer la race noire serait intervenue pour signaler que ses compatriotes auraient une vive répugnance à envoyer de l’exposition une lettre portant officiellement une tête de négresse » (Demoulin). Il fallut donc envisager de refaire le 1,50 F qui affranchissait les lettres à destination de l’étranger. On devait aller vite. Les héliograveurs virent là une occasion de clore le bec de Demoulin, directeur de l’Atelier du timbre. Sous la pression, le ministère confia à Helio­Vaugirard la charge d’imprimer ce nouveau timbre à 1,50 F. Il fut dessiné par J. de la Nezière et symbolisait les races des différentes colonies françaises (4).

Le timbre fut minable, et Demoulin humilié puis triomphant put écrire : « Ce ne sont que de vagues silhouettes d’où émergent des têtes plus vagues encore, l’héliogravure, avec son quadrillé, sa trame de tonalité informe, ne pouvait insuffler au sujet la vie que seule la taille-douce était capable de lui donner.  » Il ajoutait ironiquement « Nous n’avons pas davantage entendu parler des réactions de nos amis qui n’aiment pas la race noire. »

Ce timbre en héliogravure, imposé à l’Atelier et qui se solda par un échec sur le plan artistique signa la condamnation de l’héliogravure pour les timbres de France pendant trente-cinq ans.

 Hommage au pèlerin de la paix

En 1933 fut émise une série en l’honneur de trois hommes illustres : Aristide Briand, Paul Doumer et Victor Hugo. Le timbre au type Aristide Briand fut dessiné et gravé par Cheffer.

Né en 1862, mort en 1932, Aristide Briand avait été homme d’Etat et diplomate, vingt-cinq fois ministre, onze fois président du Conseil. Il fut partisan d’une réconciliation avec l’Allemagne après 1918. Il obtint le prix Nobel de la Paix en 1926.

Pour ce timbre, nous avons pu retrouver toutes les étapes de la création par Cheffer. Le travail n’était pas simple, car il devait travailler sur un format qui lui était inhabituel : 17 x 21 mm et avec une technique qu’il ne pratiquait pas souvent : la typographie. Remarquons qu’il imita pour le visage et le cadre la technique de la taille-douce, c’est-à-dire l’utilisation de multiples lignes parallèles pour donner l’impression de volume. Seul le pourtour de la tête est laissé uni.

Nous avons retrouvé :

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– Une esquisse à la gouache brune et au crayon, avec colombe de la paix à gauche et flambeau à droite (5).

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– Une esquisse à la gouache brune et au crayon, avec RF et Postes en haut. (6).

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– Une première maquette à la gouache brune avec tête de profil (7).

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– Une composition du cadre définitif au crayon sur papier calque (8).

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– Une photo de la maquette définitive adoptée, le visage est légèrement tourné de façon à deviner l’œil droit on a rajouté veste et cravate (9). Avec cette maquette, le travail de Cheffer dessinateur, portraitiste et peintre était terminé. Maintenant commençait le travail du graveur.

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Nous connaissons une épreuve d’état en noir, gravure non achevée (10).

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– Des épreuves d’artiste en noir ou en couleur, poinçon terminé (11).

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– Le timbre définitif (12).

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– Des réimpressions en bloc de quatre pour la collection « Les poinçons de l’histoire » du Musée de la Poste (13).

Le timbre émis le Il décembre 1933 fut imprimé en typographie rotative en feuilles de 100 avec coin daté. Un seul tirage du 9 novembre 1933 au 27 avril 1934. Dentelé 14 x 13,5. Il fut retiré le 29 octobre 1934.

Paru dans Le Monde des Philatélistes n° 447 – décembre 1990

 

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