Exercice pratique de zoologie à l’échelle d’un continent… Amérique du Nord, Autres spécialités, Etats-Unis, Outre-mer, Thématiques

Une

 Ils occupaient le terrain bien avant qu’un certain Colomb prénommé Christophe vienne entr’ouvrir la porte par laquelle allaient s’engouffrer des bataillons d’immigrants en quête de terres nouvelles à féconder ou à saccager.
Ils étaient même là bien avant que des Asiates, profitant de l’abaissement du niveau des mers, franchissent, sautant d’île en île, l’espace séparant la pointe de la Sibérie de celle de l’Alaska.
Bref, ces cinquante représentants de la faune sauvage nord-américaine sont bel et bien les premiers occupants d’un sol sur lequel ils ont su jusqu’ici tant bien que mal se maintenir…

Et les voici réunis, par la grâce d’une feuille émise en 1987 par la Poste des Etats­Unis, pour votre plus grand plaisir…
Si certains vous étaient carrément inconnus, n’en faites aucun complexe… Pourquoi connaîtriez-vous tous ces cousins d’Amérique des animaux de chez nous ?
En route donc pour cette promenade philatélico-animalière qui vous mènera des rivages glacés de l’Alaska aux marais tropicaux de Floride, en passant par les plaines du Far-West, avec un petit détour par Hawaï…
Et même s’ils sont cinquante – comme les Etats du pays qui les émet -, ne cherchez pas : ce n’est que pure coïncidence…

 Conseils à l’usage des Tatous

1-5Tu ne manges que des choses répugnantes, du genre vers de terre, limaces, coléoptères et même charognes aux trois-quarts pourries ; la carapace qui recouvre ton corps ne donne aucune envie de te caresser et, d’ailleurs, tu n’es pas particulièrement joli-joli. Vraiment, TATOU (1), tu as tout… pour déplaire. Tu dois bien t’en rendre compte, toi qui passes l’essentiel de ta vie dans les galeries de ton terrier, comme pour mieux te cacher… Et pourtant, si l’on savait quel gentil petit animal tu es, quels services tu rends aux cultures en éliminant larves et insectes nuisibles. Tu es en fait un peu comme le Hérisson de chez nous. Tu pousses hélas la ressemblance avec lui jusqu’à te faire régulièrement écraser par les voitures sur les routes à grande circulation. Tatou, méfie-toi des hommes.

Ne fais pas comme les trop confiantes ANTILOPES PRONGHORN (2), qu’il t’arrivait autrefois de croiser dans les plaines du Texas. Aujourd’hui, bien peu savent qu’il existe une Antilope purement américaine. Normal, puisqu’il n’en reste plus qu’environ 50000 têtes… alors qu’au début du siècle on les estimait à 40 millions. Où est passée la différence ? Demande la réponse aux braconniers.

Tatou, prends plutôt modèle sur ces petits rongeurs que sont le TAMIAS DE L’EST (3), le PIKA (4) et le CHIEN DE PRAIRIE (5). Observe ce dernier sur ce timbre, dans la position de la « sentinelle ». Tu noteras qu’il n’a rien d’un « chien » : il doit son nom à l' »aboiement » qu’il pousse pour avertir ses congénères en cas de menace. Tout comme le Pika des montagnes Rocheuses, surnommé « lièvre siffleur » : s’il n’a pas grand chose d’un lièvre, il siffle réellement lorsqu’une menace se fait sentir. Un sage comportement qui a permis à l’espèce de survivre depuis près de 45 millions d’années.

 

Dent d’ours et Œil de lynx

6-12

L’avez-vous reconnu, cet « ALASKA BROWN BEAR (6) » ? Oui, certainement, si vous avez vu le film de Jean-Jacques Annaud l’Ours, dont il était l’un des héros. Son extraordinaire puissance en fait un animal redoutable, mais même s’il est à l’occasion bon chasseur et bon pêcheur, il préfère la nourriture végétarienne. Chacun ses goûts… En tout cas, un bon conseil : si, lors d’un pique-nique dans un parc naturel, un ours brun, d’Alaska ou d’ailleurs, s’invite inopinément à votre table, n’essayez pas de le chasser; il le prendrait très mal et deviendrait alors dangereux.

Sa fourrure étant moins réputée que celle du précédent, l’OURS NOIR D »AMERIQUE (7) a moins eu à se plaindre des hommes. On le rencontre donc encore relativement fréquemment à l’état sauvage. Dans les parcs nationaux des Etats-Unis, il a même souvent perdu toute crainte et toute agressivité à l’égard des visiteurs. Mais attention tout de même : ce n’est pas un nounours en peluche non plus !

Avec le COUGOUAR – ou PUMA – (8), voici le « faux dur » de la bande. On l’a surnommé LION DES MONTAGNES, mais tout, dans ses attitudes et ses goûts, le rapproche du chat. Plus peureux qu’agressif, il lui faut pourtant bien chasser pour vivre. Mais il s’en passerait volontiers si on lui apportait chaque jour son repas tout prêt.

Infiniment plus dangereux à leur échelle – ils sont tous deux beaucoup plus petits que le Cougouar -, voici le LYNX ROUX (9) et le FURET A PATTES NOIRES (10).

Le Furet est un redoutable chasseur de terriers ; le Lynx, lui, prend sa nourriture où il la trouve, souvent même dans les faubourgs

des grandes villes. Son coup d’œil est légendaire, mais aussi son aptitude à passer inaperçu : heureusement le timbre est là pour nous montrer à quoi il ressemble.

Le RENARD D’AMERIQUE (11) n’est pas un cousin de notre Renard d’Europe : c’est son frère jumeau. Rien ne les distingue. Mais le RINGTAIL (12), quant à lui, s’il appartient à la même famille, n’existe qu’en Amérique, et même qu’en certaines régions du sud-­ouest de l’Amérique du Nord, à cheval sur la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. D’où le nom usuel à la consonance aztèque de ce petit carnassier : CACOMIXL.

 

Nos cousins d’Amérique

13-17

Ceux-ci sont apparemment bien connus chez nous. Ce petit CAMPAGNOL (13) ressemble à s’y méprendre à ceux de nos campagnes; mais pourquoi donc l’a-t-on baptisé Deer Mouse, « souris cerf » : il ne ressemble pas plus à un cerf que le Cerf mulet à un mulet ! La MARMOTTE DES FORETS (14) n’est guère différente des nôtres.

L’ECUREUIL DE CAROlINE (15) est plus typiquement américain : de couleur grise et atteignant une taille très supérieure à ceux que nous connaissons, il fut longtemps chassé tant pour sa fourrure que pour sa chair, très savoureuse. Il vivait autrefois dans les forêts de la côte Est, à l’emplacement de ce qui est aujourd’hui la « mégalopolis ». Mais si les buildings ont remplacé les arbres, les écureuils, eux, sont restés : ils ont pris possession des jardins publics de New York et de Washington.

En regardant la longueur de ses pattes et son maintien, n’accusez pas le dessinateur d’avoir confondu notre Lièvre avec un kangourou ! Les spécialistes vous diront que c’est un animal adapté à la vie du désert : c’est le cas de ce LIEVRE DE CALIFORNIE (16).

Quant à ce LAPIN (17), peut-être l’avez-vous déjà entraperçu dans certaines de nos forêts françaises. Originaire de Floride, il a en effet été importé récemment en France par des sociétés de chasse. Son intérêt ? Il résiste à la myxomatose… Mais nos sous-bois, eux, résistent infiniment moins bien à son vorace appétit. Personne n’est parfait!

 

Longues pattes et larges becs

18-21

Si la CAILLE DE VIRGINIE (18) et l’OIE DU CANADA (19) ne sont que des variétés des espèces connues chez nous, l’AIGRETTE THULA (20), elle, est beaucoup plus pittoresque. Les Américains l’appellent « Snowy », c’est-à-dire « de neige », et c’est vrai qu’elle est l’un des très rares oiseaux dont toutes les plumes sont blanches. Et elle n’en est pas peu fière, si l’on en croit l’air quelque peu dédaigneux qu’elle affiche sur ce timbre!

La SPATULE ROSE (21), elle, fait beaucoup moins sa mijaurée. Et pourtant, elle a quelques titres de gloire à faire valoir. C’est en effet en réfléchissant sur la forme et les fonctions du bec des Spatules – il leur sert à filtrer l’eau et retourner les cailloux pour chercher leur nourriture – que Darwin conçut les premiers principes de sa théorie sur l’évolution des espèces par adaptation à l’environnement. Et il est vrai que la Spatule rose a su s’adapter à beaucoup de choses… sauf à l’homme, qui l’a impitoyablement traquée pour la beauté de ses plumes. L’espèce était en voie de disparition totale lorsque la National Audubon Society of America put enfin faire interdire cette chasse et créer des réserves spéciales dans les marécages de Louisiane et de Floride.

 

 

 

Le roi des papillons

22-25

Le MONARQUE (22) est un roi… Incroyable de penser que ses ailes si délicates lui permettent de traverser tout le continent aller-retour, et parfois même de franchir l’Océan pour venir voleter sur les côtes bretonnes ou portugaises. Après l’éclosion, qui a lieu au printemps en Amérique centrale, les Monarques se regroupent en essaims de plusieurs millions et mettent le cap vers le Canada. A l’automne, ils font le chemin inverse. Lors de leur long périple, ils s’arrêtent la nuit pour se reposer dans les mêmes arbres qu’à l’aller.

S’il n’est pas migrateur, le MACHAON (23) a pourtant beaucoup voyagé lui aussi, autrefois : certains supposent en effet que ce papillon est venu d’Asie en passant par le détroit de Behring.

Comme son nom l’indique, la LUNA MOTH-Tropaea Luna (24) – est un papillon de nuit. Et si sa délicate couleur était celle de la fameuse « robe couleur de Lune » de Peau d’Ane ?

Quant à cette gentille COCCINELLE (25),est-elle si différente de celles que l’on trouve chez nous ? Mais oui : aucune n’a autant de points noirs. Ah, ces Américains ! Toujours prêts à surenchérir!

 

Animaux totémiques

26-31

Des Aigles sur timbres de l’Union, on en a vu dès 1869 – et même avant, sur les émissions des maîtres de postes – ; celui présenté ici n’est donc ni le premier, ni le dernier. Mais une série sur les animaux sauvages ne pouvait manquer de rendre hommage à celui qui symbolise les Etats-Unis tout entiers. Avant même l’arrivée des Blancs, l’AIGLE CHAUVE (26) était déjà le totem des Indiens des plaines et des Apaches.

Son cousin le BALBUZARD (27) est tout aussi majestueux : vivant en bordure des lacs et des étangs, c’est le plus grand de tous les oiseaux pêcheurs connus.

Autre animal emblématique, le BISON D’AMERIQUE (28) vit dans les prairies – alors que son cousin d’Europe, plus petit, est un animal des forêts. Il fut longtemps pour les Indiens des plaines le principal pourvoyeur de viande, de fourrure, de cuir et de corne pour les objets rituels et les ustensiles quotidiens. Lors de la conquête de l’Ouest, Buffalo Bill et ses émules massacrèrent allègrement les bisons… pour priver les Indiens de leur subsistance. Aujourd’hui, les bisons sont protégés et vivent dans des réserves. Les Indiens aussi, d’ailleurs…

Et le LOUP (29) ?…Si un magnifique film nous a montré l’an dernier que l’on pouvait danser avec lui, il nous reste à découvrir s’il a vraiment des aptitudes de danseur de corde funambule : il est en effet le totem de ces Indiens de l’Est qui ignorent le vertige et sont, de ce fait, souvent employés pour construire et ravaler les plus hauts buildings.

Le GLOUTON (30), lui porte bien son nom, redoutable prédateur, est quant à lui l’emblème du Michigan, et le BLAIREAU (31) celui du Wisconsin. Mais confessons notre ignorance : nous ne savons pas si le dénommé Schick, à qui les blaireaux encore vivants rendent hommage tous les jours – puisqu’il est l’inventeur du rasoir électrique -, était natif de cet Etat !

 Les ailes du délire

32-38

Tout petit, le COLIBRI (32) – certains pèsent à peine trois grammes -, mais ce n’est pas pour cela qu’on l ‘a surnommé « oiseau mouche »; les Américains, eux, disent « hummingbird« , « oiseau bourdonnant ». Ses ailes battent en effet si vite – parfois, près de deux cents battements par seconde ! – qu’il émet en volant le bruissement d’un insecte. La rapidité de ses mouvements lui permet même de voler à reculons : un cas exceptionnel chez les oiseaux.

Grand voyageur, il se déplace du Canada à l’Amérique centrale en avalant des étapes de sept à huit mille kilomètres sans se poser, en volant même la nuit, dans un demi-sommeil. Dommage pourtant qu’il ne franchisse jamais l’Atlantique pour venir nous rendre visite… A la différence de l’HIRONDELLE (33), bien connue chez nous, où elle annonce le printemps.

MERLE A AILES ROUGES (34), TANGARA (35) et IIWI (36) proposent une symphonie en noir et écarlate, dans laquelle leGEAI (37) apporte une touche bleue. La Tangara doit d’ailleurs à ses jolies couleurs son surnom de Cardinal. Quant à l’Iiwi, même si vous vous rendez en Amérique, vous n’en verrez pas : il vit à Hawaï, dans le Pacifique, et représente dans cette série le 50e Etat de la fédération.

Bien moins chamarré, l’OISEAU MOQUEUR (38) – une variété de Merle – semble avoir pris sa couleur grise pour mieux passer inaperçu. Cette espèce de « Monsieur tout-le-monde » à plume adore se faire prendre pour un autre. Son nom latin est d’ailleurs « Mimus polyglottus« , « mime polyglotte », tant il est habile à imiter le chant des autres oiseaux.

Bêtes à cornes

39-44

Avec ses bois impressionnants, l’ORIGNAL (39) n’a guère de chances de passer inaperçu aux yeux des chasseurs. C’est regrettable pour lui, car sa fourrure particulièrement douillette est très appréciée en Alaska et au Canada. Et comme les cornes qui ornent son front peuvent également servir de porte­manteau…

Que serait devenue la biquette de M. Seguin si, échappant au loup, elle avait trouvé refuge dans la montagne ? Aurait-elle, à la longue, fini par ressembler à cette étonnante CHEVRE DES MONTAGNES ROCHEUSES (40) ? Certainement pas, car, en dépit de son nom et de ses apparences, cet animal taillé pour l’escalade s’apparente plutôt à nos chamois.

Ne vous laissez pas abuser par le nom du MOUFLON DU CANADA (41),ou Bighorn : cet animal s’acclimate à presque tous les climats montagnards au point qu’on en rencontre dans toutes les Rocheuses et jusqu’en Californie.

Si vous êtes amateur de Scrabble, vous ne connaissez peut-être que de nom le WAPITI (42) – si utile pour « poser un W » ! Le timbre vous permet de voir à quoi ressemble ce grand cerf blanc de l’Ouest américain, mais aussi de faire connaissance avec d’autres membres de sa famille, aux noms moins exotiques : CERF DE VIRGINIE (43) et CERF MULET (44). Mais quelle idée de les avoir baptisés ainsi! Le Cerf Mulet n’a rien d’une mule, et son cousin dit « de Virginie » se rencontre partout depuis les confins du cercle polaire jusqu’au Nordeste brésilien, en passant par le Mexique.

 D’eau douce ou d’eau de mer

45-49

Passons sur le HOMARD (45) : même s’il est « à l’Américaine », il ne se distingue pas suffisamment de celui de chez nous pour qu’on en fasse un plat.

En revanche, le « SEA LION (46) » de Californie est bien différent du Phoque à crinière que nous appelons – nous aussi Lion de mer… puisque ce n’est pas un Phoque, mais une Otarie, et que ce n’est pas à son pelage, mais à son rugissement, qu’elle doit son nom.

Question appétit de lion, la LOUTRE DE RIVIERE (47), qui vit à la frontière du Canada, en connaît également un rayon : c’est une grande dépeupleuse de cours d’eau. Et pourtant, quel charmant animal ! On ne se lasserait pas de la regarder faire des mines et prendre des poses de starlette, se laisser porter par le courant en faisant la planche toutes pattes écartées ou remonter le fil de l’eau en ondulant gracieusement. Il n’y a vraiment que les poissons pour ne pas être sensibles à ses charmes.

Si la Loutre semble cultiver au plus haut point l’art de se laisser vivre, le CASTOR DU CANADA (48) est au contraire un grand travailleur. Tout le monde connaît les barrages qu’il construit pour y installer ses maisons. Et dire que les Castors américains ont failli être victimes… de la Révolution française ! A cette époque, la mode de la toque en peau de Castor se répandit chez les sans-culottes, occasionnant de véritables massacres outre-Atlantique… La mode est passée – ouf !- mais ces rongeurs n’étaient pas au bout de leurs déboires avec la France. Récemment, en effet, on a essayé d’acclimater des Castors d’Amérique chez nous. Que croyez-vous qu’ils firent ? Ils s’échappèrent des élevages et vinrent s’accoupler avec les Castors d’Europe, une espèce plus petite et hautement protégée. Au point que certains écologistes se demandèrent s’il ne fallait pas exterminer ces intrus. De grâce, laissez-les vivre !

Et pour terminer à la manière de Prévert cet Inventaire, voici bien sûr l’indispensable RATON LAVEUR (49).C’est vrai qu’on peut le rencontrer partout : il est originaire des forêts mais s’adapte très bien à la « jungle des villes », où il cherche sa nourriture en éparpillant le contenu des ordures ménagères… Ce qui n’est pas sans créer quelques problèmes. Mais il reste pour nous attaché à l’un des symboles de l’Amérique des temps héroïques : c’était lui qui constituait la toque de Davy Crockett.

TortueEh ! Mais il nous manque un numéro à l’appel… Allons, hâtez-vous lentement, MADAME LA TORTUE, venez aussi vite que vous le pouvez compléter notre cinquantaine de timbres, afin que nous puissions boucler notre thématique. Il n’y a déjà plus de place pour vous dans nos encadrés. D’où venez­-vous ? De Caroline. Et comment vivez-­vous là-bas ? Tout comme nos Tortues d’Hermann, et tout aussi menacée. Alors, prenez vite place dans nos albums : là, au moins, vous ne risquerez rien.

 

Paru dans Timbroscopie n° 93 – Juillet-Août 1992

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