Après les timbres sur lettres… les lettres sur timbres ! Autres spécialités, Thématiques

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A, B, C, C’… Une douzaine de pays dans le monde se sont convertis aux timbres sans valeurs faciales, bien pratiques pour assurer les difficiles transitions lors des changements de tarifs.
Alors que la France vient d’attaquer la troisième lettre de l’alphabet, Timbroscopie fait le point sur cette thématique d’actualité qui possède déjà son petit cercle de fidèles, auxquels on doit la publication récente d’un répertoire complet.
La principale difficulté – le principal attrait ? – de cette collection qui monte : se procurer les timbres sur lettres. Car celles-ci ne doivent pas quitter les frontières de leurs pays respectifs… En principe.

 

ETATS-UNIS : les pionniers

USA01Octobre 1975 : la Poste des Etats-Unis s’apprête à émettre ses deux traditionnels timbres de Noël. Les illustrations, un angelot accroché à une cloche et une Maternité de Ghirlandaio, sont fin prêtes. Mais la fabrication ne peut commencer, car le Congrès n’a pas donné accord pour l’augmentation des tarifs demandée par l’Administration. L’US Postal Service, à l’approche de la fin de l’année, ne peut plus attendre. Et décide d’émettre les timbres sans valeur faciale. Ils paraissent le 14 octobre 1975. Ce sont les premiers d’une longue génération de « timbres de changement de tarif ». L’initiative, du reste, était opportune : le Congrès américain n’accorda finalement pas l’augmentation. Prévus pour être vendu à 13 cents, les timbres le furent à 10, comme l’année précédente.

USA02Même situation en 1978, mais dans le courant de l’année cette fois. Le 22 mai, paraît un timbre « A », illustré de l’aigle américain. Valeur : 15 cents. C’est une émission à part entière, avec carnets, roulettes, Entiers cartes et lettres, et même cartes postales avec réponse payée. Il faut croire que le système donna toute satisfaction, car l’US Postal Service renouvela l’expérience en 1980 (lettre B, 18 cents), toujours avec le type Aigle. L’année suivante, la mention « domestic mail » apparaît sur un « C » brun (vendu 20 c).Les timbres sans faciales étaient – et sont toujours – réservés au courrier intérieur, mais beaucoup d’usagers l’ignoraient et utilisaient les vignettes pour leur correspondance à destination de l’étranger. La Poste les prévenait donc aimablement.

USA04Suite de la série en 1985 (D, 22 c) et 1988 (E, 25 c). Pour ce dernier, le type aigle a été abandonné au profit d’une vue de la Terre très colorée.

USA03A cette déjà abondante liste, s’ajoutent enfin deux autres timbres de Noël émis en 1981 (et vendus 20 cents chacun).

Au total : une petite collection de neufs timbres, cinq carnets, cinq roulettes et douze Entiers. Comme toujours, les Américains ne font rien à moitié…

 

ISRAEL : l’inflation aidant

IsraelAucune chance de· voir un jour cette branche devenir une rareté. Car la Poste d’Israël, soumise à d’incessants changements de tarifs provoqués par une inflation galopante, a imprimé et vendu le timbre sans modification aucune de 1982 à 1988. Avant de le remplacer par un Tournesol, remplissant le même usage et toujours en cours.

Ces émissions, du reste, ne sont pas présentées dans les notices officielles comme des timbres pour changement de tarif mais pour « l’affranchissement des lettres normalisées du régime intérieur« . L’exception devient en quelque sorte la règle. Comme tous les autres timbres d’Israël, ceux-ci se collectionnent de préférence avec tabs (10 tabs au bas de chaque feuille de 50). Une bonne idée : se les procurer avec oblitération de Bethléem.

 SUEDE : on casse les prix

SuedeNous avons déjà présenté en détail, en janvier 1990 (TS 65), les carnets de timbres suédois vendus avec rabais – les Rabattmarken – aux particuliers. Les deux premières émissions, en 1979 et 1980, étaient réservées au courrier intérieur – inrike ­ post- et les timbres correspondants ne portaient pas de valeur faciale. Ils trouvent donc leur place dans notre collection spécialisée, à la différence de leurs successeurs, valables pour tous les pays scandinaves et affectés d’une valeur chiffrée.

 

PORTUGAL : Walt Disney s’en mêle

Portugal01Ce messager à cheval, flanqué de la mention « série A », est en cours depuis 1985. Le timbre correspond au premier échelon de poids de la lettre intérieure. A chaque changement de tarif, l’Administration modifie sa valeur. Vendu à l’origine 22,50 escudos, il en vaut actuellement 29.

Portugal02La Poste portugaise l’édite également en Entiers, vierges ou repiqués, tel ce sémillant Donald.

 FRANCE : l’ABC du changement de tarif

France 1

Après les Etats-Unis, le Canada, Israël et le Portugal, la France entre dans la danse en 1986. Notre Poste nationale, comme beaucoup de ses homologues étrangères, est soumise aux décisions subites du ministère des Finances, qui seul peut avaliser une modification des tarifs et auquel les autres ministères reprochent ouvertement son goût du secret. De plus, le timbre entre en France dans le calcul de l’indice des prix. Les décisions, dès lors, deviennent politiques, c’est-à-dire particulièrement complexes.

France 2Les variétistes apprécieront : sur pli recommandé, deux griffes sur le front de la Liberté.
La première, la plus petite, est recouverte par l’oblitération.

Le scénario est donc grosso modo le même, à chaque fois qu’est envisagé un changement de tarif : rumeurs, contre-rumeurs, pressions exercées par le ministère des PTT (qui a besoin de ressources supplémentaires) vers les Finances (qui surveillent l’inflation comme le lait sur le feu), tergiversations, report des décisions, etc. Pendant ce temps, la Poste et l’Imprimerie des timbres rongent leur frein, sachant qu’il faudra cavaler à bride abattue pour fabriquer les nouveaux timbres et approvisionner les bureaux une fois la décision connue.

En 1986, ignorant comme de coutume les intentions de la rue de Rivoli, la Poste avait fabriqué ensemble – sur le même cylindre d’impression mixte – des « A » rouges et verts. Mais si le tarif du pli non urgent augmenta bien le 1er août, passant de 1,80 F à 1,90 F, celui de la lettre urgente resta inchangé. Seul le timbre vert vit donc le jour. Et tous les « A » rouge furent détruits, à l’exception de deux feuilles (attenantes à des vertes),conservées au musée de la Poste de Paris.

Un an jour pour jour après le « A », parut un « B » au même type Liberté et correspondant au même tarif : le pli non urgent. Il était vendu 2,00 F. On ne trouve plus ni l’une ni l’autre des deux valeurs dans les bureaux. En revanche, le Service philatélique de la Poste vendait encore, au premier trimestre 1990, le « B ». Quant à la durée de validité de ces timbres, elle est illimitée. Mais attention: ce n’est pas la couleur qui détermine la faciale mais bien la valeur d’affranchissement au moment de l’émission. Autrement dit : un « A » vaut toujours1,90 F aujourd’hui, et un « B », 2,00 F. Le « C », enfin, dernier timbre de la longue série des Liberté, a vu le jour, chacun s’en souvient, le 1er janvier.

On le trouve encore dans les bureaux (et par correspondance auprès du Service philatélique). Mais sans doute plus pour très longtemps. Selon le bulletin officiel des PTT, en effet, « en cas de stocks, les bureaux doivent vendre en priorité les figurines dépourvues de valeur faciale« . L’imprimerie, du reste, n’accepte pas les retours comme pour les commémoratifs : une manière d’inciter les receveurs à écouler leurs fonds de tiroirs.

Précurseurs français : les Entiers de l’Isère

France isereIls n’ont pas vu le jour à l’occasion d’un changement de tarif mais ils sont bien les premiers documents postaux de France à porter un timbre sans faciale, si l’on excepte les cartes interzones au type Iris émises pendant la dernière guerre.

Ce sont les Entiers expérimentaux mis en service en décembre 1984 dans le département de l’Isère, pour un usage en France exclusivement. L’expérience ne semble pas avoir enthousiasmé les populations locales : elle n’a pas été étendue aux autres départements français, et les Entiers sont toujours en vente – sans doute s’agit-il du stock initial ! – en Isère et auprès du Service philatélique de la Poste.

La série comprenait précisément, outre un aérogramme avec faciale de 3,50 F au type « avion survolant Paris », trois Entiers à l’effigie de la Liberté : une « carte poste » avec figurine verte (tarif de l’époque : 1,70F),une « lettre-poste » (c’est-à-dire une carte-lettre) avec Liberté rouge (tarif lettre, 2,00 F à l’époque) et une enveloppe pré-affranchie (même tarif). Les acheteurs qui se décideront aujourd’hui paieront la série le même prix (12F) qu’il y a cinq ans, alors que les tarifs concernés ont augmenté de 40 et 30 c. Et ils pourront toujours utiliser ces Liberté sans faciales telles quelles, sans complément d’affranchissement. En attendant la nouvelle génération d’Entiers sur laquelle planche actuellement la Poste.

 AMERIQUE LATINE : le Brésil désobéit à l’UPU

AmeriqueSudPremier juin 1988 : l’Entreprise brésilienne des Postes et Télégraphes met en circulation son premier « reçu d’affranchissement », illustré de son logo. Comme indiqué au recto, le timbre correspond au premier échelon dans le tarif intérieur en vigueur. Bien que la valeur, à la différence du système français, soit évolutive, les Postes nationales émettent un second type l’année suivante. Même « série A », même indications d’utilisation, mais un nouveau fond coloré reprenant le motif central du timbre et « attestant de son authenticité », indique un communiqué de l’époque. Une mesure anti-faux ?

En septembre de la même année 89, arguant du succès rencontré par les vignettes au tarif intérieur, la Poste brésilienne annonce l’extension du système au courrier international. Le nouveau timbre, au même type mais rouge, correspond au premier échelon de poids d’une lettre par avion pour l’étranger. Pas un mot, dans la notice d’accompagnement, sur l’incompatibilité avec les recommandations de I’UPU. Le Brésils emble ignorer – ou feindre d’ignorer ­ que, selon les conventions internationales de l’Union, l’indication de la valeur d’affranchissement est obligatoire sur le courrier quittant les frontières d’un pays. Dans le même temps, pourtant, la Poste brésilienne prend soin de porter sur ses vignettes rouges la mention « taxe perçue » en français, recourant ainsi à la langue officielle de I’UPU.

Autres pays d’Amérique latine ayant émis récemment des « sans valeur » : l’Argentine, avec un timbre C (tarif intérieur jusqu’à 10 g) et un C’ (11-20 g) en 1987, tous deux représentant des boîtes aux lettres; la Colombie, avec un A et un B destinés à des « services spéciaux », respectivement le courrier exprès national par avion et le courrier électronique « Burofax ». Vendus initialement 400 et 100 pesos lors de l’émission, en juin 1988, les deux timbres ont vu leur valeur portée à 500 et 125 pesos en décembre de la même année.

 GRANDE-BRETAGNE : première et seconde classe

GBCoquetterie qui ne doit sans doute rien au hasard : la Poste britannique, le Royal Mail, qui n’a jamais jugé nécessaire de spécifier le nom de son pays sous ses effigies, n’a pas cru bon non plus d’adopter le système des lettres pour ses tout nouveaux timbres de changement de tarif. « 1st » et « 2nd » class : les deux vignettes émises le 22 août dernier portent donc l’indication des deux tarifs intérieurs auxquels elles sont destinées. Première classe : courrier rapide, distribué le lendemain du jour de dépôt. Seconde classe :courrier lent, distribué le troisième jour ouvré après la collecte. Poids maximum dans les deux cas : 60 g par envoi.

Les deux timbres, au type Machin, ont été émis uniquement en carnets, de 4 ou de 10 exemplaires. Ils étaient vendus à l’origine 19 et 14 pence le timbre, jusqu’au changement de tarif intervenu le 2 octobre dernier. Leur valeur a été réajustée alors selon les nouveaux barêmes : première classe, 20 p ; seconde classe, 15 p.

Depuis le début de l’année, ils ne sont plus en vente : des timbres en feuilles, portant les nouvelles faciales (et les mêmes couleurs) ont pris la relève. Un changement de taille, cependant, dans l’illustration : derrière l’effigie d’Elisabeth Il, apparaît – réapparaît – maintenant Victoria, telle qu’au premier jour du Black Penny, il y a précisément cent-cinquante ans. Eternelle Angleterre.

 Guernesey aussi

GuerneseyL’île anglo-normande a émis le 3 avril1989 son premier timbre sans faciale, destiné au courrier de première classe à l’intérieur du Royaume-Uni. Valeur initiale : 18 pence. Comme en Grande· Bretagne, ce petit format change de valeur en même temps que les tarifs.

 CANADA : des chiffres et des lettres

CanadaUne seule pièce dans la collection canadienne : une feuille d’érable marquée « A  » (30 c). L’émission, en feuilles et en roulettes, eut lieu dans les tout derniers jours de 1981. Dès le mois de mars 1982, paraissait au même type, avec chiffres, un carnet de valeurs composites, comportant un 30 c. Puis, le 1er avril : un 30 cents en roulette.

En étudiant cet éphémère « A », fils unique de la branche canadienne, les spécialistes ont découvert plusieurs types de papier, brillant ou mat, fluorescent ou non.

 Et même les aérogrammes…

AerogrammeBien qu’ils soient destinés à un usage international, les aérogrammes se convertissent eux aussi au « sans faciale ». Témoins ces récentes émissions de Grande-Bretagne (1986), Jersey et Guernesey (1987). Une telle pratique, du reste, semble logique : les aérogrammes constituent une classe de courrier standardisée, au poids et au tarif uniques. Les contrôles et les compensations entre Postes de différents pays sont donc simplifiés, et l’indication de valeur se justifie moins, au regard des règlements de I’UPU, que lors de l’utilisation de timbres mobiles.

 Recalé, diront les puristes

RecaleDes timbres sans valeur faciale, certes. Mais sans justification, sinon la fantaisie des créateurs de ce bloc, qui ont choisi de reporter la faciale en marge, négligeant de surcroît d’y faire figurer le mot « Postes » ou son équivalent, fut-ce dans un recoin. Avons-nous encore affaire à des timbres ? On pencherait plutôt pour la vignette décorative. Pas question, donc, d’admettre la pièce dans notre collection spécialisée. Ni même, pour les plus exigeants, dans l a collection philatélique en général.

Paru dans Timbroscopie n° 68 – Avril 1990

 

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