Marseille, ville de toutes les Marques Postales France, Monaco, Andorre, Marcophilie

Une

Il est des collectionneurs qui, arrivés au terme de leur collection, estiment n’avoir plus rien à prouver et décident de repartir dans une autre direction. Alfred Bussotti est de ceux-là. Après quinze années de recherches ininterrompues, ce Marseillais d’origine, « exilé » en Allemagne pour les besoins de son travail, nous présente une très riche collection de marques postales et oblitérations toutes consacrées à sa ville natale. De la Petite Poste locale aux rarissimes griffes maritimes du XVIIIe, des cachets de franchise de l’époque révolutionnaire aux oblitérations étrangères sur timbres français: un véritable concentré d’histoire postale, comme seul un grand port au riche passé marchand peut offrir.

La Petite Poste

01Dès 1777, Marseille avait sa Petite Poste, confiée par arrêt du Conseil du Roi au dénommé Loliot,l’homme qui avait déjà obtenu Je privilège de la Petite Poste de Bordeaux. Plusieurs notables de Marseille exploitèrent ensuite la concession, faisant payer deux sols pour le port à l’intérieur de la ville et trois sols pour la campagne. Douze facteurs effectuaient six distributions et autant de levées par jour (on dénombrait plus de cinquante boîtes urbaines). La Petite Poste assurait également l’acheminent final du courrier maritime, comme en témoigne cette lettre expédiée de Malte en septembre 1787,déposée au Bureau général de Marseille (« A ») le 28 du mois. Marque de port dû à deux sols et indication de levée (2e). 1

Tout débuts de la Poste maritime

2« Colonies par Marseille »: une marque d’entrée manuscrite, sur lettre de Port-au-Prince datée du 24 mars 1767 et adressée à Valenciennes. La Poste maritime, créée par un acte royal de 1759, en est alors à ses premiers balbutiements. De telles marques apparaissent pour justifier la « taxe de mer » nouvellement instituée pour le courrier en provenance d’Outre-mer et en particulier des colonies, avec lesquelles se développent les relations commerciales. 2

Premiers cachets d’entrées

3« Colon. Franç. par Marseille » : le premier cachet utilisé à Marseille, à partir de 1776, pour le courrier en provenance des colonies. Seules marques d’entrées maritimes connues auparavant, « Marseille de Malthe » et  »Voye de Mer par Marseille » (pour les autres provenances de Méditerranée).
La lettre provient de l’île Sainte-Lucie dans les Petites Antilles, comme le confirme la griffe « La Martinique », l’une des cinq marques d’origine utilisées alors pour les colonies. Les autres: « La Guadeloupe » ; « Isle de France », devenue Maurice; « Isle de Bourbon », aujourd’hui La Réunion, et « Cap. Français », en Haïti. 3

Deux cachets en un

45En haut, une lettre chargée (on ne parlait pas encore de recommandés) adressée de Marseille à Ajaccio en port payé, comme l’attestent les initiales « PP » encadrant le chiffre 12 (ancien numéro du département des Bouches-du-Rhône).
En bas, le même cachet, frappé à cheval sur le bord extérieur et amputé ainsi de la marque de port payé; astucieux bricolage palliant une carence en matériel ! Une carence qui n’a rien de surprenant, du reste: les deux lettres sont datées respectivement de 1792 et 1793, c’est-à-dire des tout premiers temps des cachets postaux « standard », introduits pendant la Révolution en remplacement des marques de confection locale. 4 et 5

Franchise révolutionnaire

6« Tribunal de Justice correctionnelle, Directeur du jury d’accusation, Marseille »: une superbe marque de franchise de l’époque révolutionnaire indiquant, comme c’était l’usage, la qualité de l’expéditeur. Celui-ci écrivait au représentant local du Directoire… qui n’allait plus durer très longtemps: le 3 novembre 1790, soit deux mois après l’expédition de cette lettre, Napoléon Bonaparte, de retour d’Egypte, prenait la tête du coup d’état du 18 Brumaire : le Consulat remplaçait le Directoire. 6

Les marques de l’Union

71876 : la France entre dans l’Union Générale des Postes, future Union Postale Universelle. D’où des marques d’entrées à ce nouveau type, utilisées pour le courrier en provenance d’Outre-mer et transporté par des bateaux autres que les paquebots-poste : le cachet indiquait alors que les lettres devaient être affranchies ou taxées selon les dispositions de l’Union. Ici: sur timbre espagnol à 25c, lettre expédiée de Morono en 1898. Une pièce unique car le cachet n’annule jamais le timbre. 7

Griffe anti-vol ?

8Aucun catalogue spécialisé ne mentionne cette griffe « affranchie ». Et pour cause : il s’agit sans doute d’une marque privée apposée par l’expéditeur, la Compagnie Claude Clerc, de Marseille, dont le cachet (de même encre) figure à gauche. Acheminée par bateaux italiens – un paquebot-Poste (« Piroscafi postale ») puis un navire marchand – la lettre n’a été oblitérée qu’à l’arrivée à Naples (rectangle de points « 184 » et cachet à date de la « succursale du port »). Dans l’intervalle, la griffe bleue attestait que le port avait bien été payé : précaution qui aurait pu se révéler utile, si les deux 40 c laurés s’étaient détachés pendant le trajet. Involontairement ou volontairement… 8

« Par commissionnaires expéditeurs »

9Typique de la Poste maritime: un cachet privé « d’acheminement », de l’époque où les agents des compagnies de commerce installées dans les ports transportaient pour le compte de leurs clients des lettres qu’ils groupaient en paquets à tarif réduit, échappant ainsi à la taxe de mer individuelle.
Ce pli, en particulier, a été acheminé de Naples à Marseille en 1859 par les Frères Giraud, commissionnaires-expéditeurs, puis confié à la Poste entre Marseille et Grenoble. 9

« Paris par Moulins (Allier) »

10Telle est l’adresse à peine lisible en bas de cette lettre destinée à pénétrer dans Paris assiégé pendant la guerre de 1870-71, à l’intérieur de l’une de ces fameuses boules de Moulins immergées dans la Seine, dont aucune ne parvint à destination. L’affranchissement est conforme au tarif spécial : un franc (dont 80 c allaient aux inventeurs de ce système breveté). L’oblitération au départ de Marseille est datée du 3 janvier1871: la veille de l’immersion de la première boule. 10

Paru dans Timbroscopie n° 34 – Mars 1987

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